Vivre en Israël , une mitsva ?(2)
- [Yashar-Ël: Φᵢ(K)∝A(t)]~>
- 15 janv. 2018
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La Mitzva de Yichouv Aarets -Habiter en Eretz Israël
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- sur Bamidbar 13, 17, : Rachi prévient qu'on verra d'abord ce qui est moins bon d'Israël et qu'ensuite le très bon se révélera (on ne doit pas oublier cet enseignement à l'heure où on utilise l'argument de ce qui n'est pas bien dans la vie israélienne et qui y existe de fait pour se dispenser d'aller y vivre) : "dirigez-vous de ce côté, dit Moché : c'est la méthode des commerçants qui montrent d'abord la marchandise de moindre valeur et ensuite ils font voir celle de grande qualité".
- sur Devarim 11, 10 : Rachi dit que la ville la moins belle d'Israël est plus belle que la plus belle d'Egypte (il est évident qu'il ne parle pas d'abord du paysage visuel). Il dit sur le verset "n'est pas comme le pays d'Egypte : meilleure".
- sur Devarim 33, 13 : "à partir du moment où Jérusalem a été choisie comme lieu de résidence de la Chékhina, celle-ci n'a plus résidé ailleurs".
- sur Devarim 46, 6 : "Yaâqov disait : les biens qui viennent d'en dehors de la terre d'Israël ne me conviennent pas".
- en ce sens, Rachi dit sur le livre de Yehoshua 15, 3 : "Jérusalem est plus haute que toute la terre d'Israël".
- en ce même sens, il dit sur Isaïe 30, 2 : "la terre d'Israël est plus haute que tous les pays" (voyez aussi Béréchite 45, 9 et Bamidbar 1, 25).
- sur Isaïe 45, 8 : "la terre d'Israël que je préfère à toutes les autres".
- sur Ezékiel 36, 2 : "la terre d'Israël qui est le point le plus élevé et le plus beau de tout l'univers".
- sur le prophète Yoél 2, 21 : "la terre d'Israël, si j'y reviens par repentance".
- sur le psaume 24, 1 : "kaChel haaréts; à Hachém est la terre : la terre d'Israël".
- sur le psaume 132, 6 : "le béit hammiqdache (le Temple) est plus haut que toute la terre d'Israël".
- sur Job 5, 10 : "il donne la rosée à la terre : à la terre d'Israël".
- sur Qohéléte (l'Ecclésiaste) 1, 4 : "tous les justes (tsadiqim) de la terre d'Israël sont
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appelés érets, terre".
LES NATIONS ET LA TERRE D'ISRAËL Il ne s'agit pas de faire, à partir de là, de la politique à la petite semaine par la Torah, mais on ne peut pas non plus comprendre ce qui se passe en ce lieu qui fascine le monde depuis des siècles (la terre d'Israël), et en permanence, si nous n'utilisons pas la science de nos Sages. Ainsi, Rachi apporte un éclairage sur cette implication constante de toutes les nations envers notre terre d'Israël : sur Dévarim 33, 17 (aux extrémités de la terre) il dit : "est-il possible que tous les 31 rois vaincus par Yehoshua aient tous régné sur la terre d'Israël ? Mais c'est pour t'enseigner qu'il n'y a pas de roi ni de gouverneur qui n'y ait acquis pour soi-même un palais ou un terrain sur la terre d'Israël car elle avait du prix pour chacun d'entre eux". Il dit aussi que les rois se battaient pour donner chacun des noms aux lieux différents sur la terre d'Israël ; ainsi, la coutume des donateurs de poser des plaques à leur nom fait toujours rage en Israël. Rachi dit que "cela est à la louange de cette terre". Donc cette préoccupation compulsive et constante des nations au sujet d'Israël ne doit pas être perçue seulement comme une forme de la persécution permanente et du double jeu des chefs d'Etats "amis" d'Israël ; c'est aussi, réellement, une orientation des nations vers la valeur particulière de ce lieu. Cette polarisation externe et générale devrait être pour les Juifs un stimulant pour leur prise de conscience de Juifs devant monter vers la terre d'Israël et d'y vivre selon la Torah:
COMMENT VIVRE SUR LA TERRE D'ISRAËL, SELON RACHI En Vayiqra 20, 2 on trouve l'expression qui a souvent une connotation très négative pour indiquer des "ignorants absolus" (voir le Lév Gompers, pages 266 et 269) : âm haaréts (le peuple du pays). J'ai vu un jour quelqu'un voulant injurier un étudiant de la Torah qu'il savait consacrer beaucoup de temps à la Torah et le traiter de âm haaréts pour l'humilier gratuitement en public; de fait, celui-là parût très blessé ; mais, comme nous l'avons analysé dans l'épisode de Bileam, l'agresseur ne savait pas qu'il était au même moment contraint par l'action de Hachém de dire une grande louange envers cet étudiant et de lui souhaiter le plus grand bonheur à travers cette expression : âm haaréts "peuple membre de la terre du Saint". Comme dit le dernier verset de la paracha, même à travers les mots vicieux de l'ennemi Bileam, "D.ieu combat pour vous". Ainsi, de nombreux ennemis d'Israël, dans les guerres, leur attaque se retourne en désastre pour eux et en progrès pour Israël.
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C'est que cette expression âm haaréts comporte aussi un sens qui est totalement différent; Rachi commente : âm chébéghino nivréte haaréts, âm ché âtidine lirache haaréts âl-yédé mitsvote allalou, "âm haaréts, "c'est le peuple par le mérite de qui le pays fut créé, ceux qui hériteront du pays par ces mitsvotes". C'est ce que l'on peut souhaiter de mieux aux habitants de cette terre qui sera pour eux le sanctuaire promis. Amen. Rachi nous répond par là à la question que beaucoup se posent sur la construction du pays - à l'heure où après les fondements posés, l'édifice commencé semble s'ébranler et vasciller, - à l'heure où les structures pionnières ne parviennent plus à transmettre leurs propres valeurs et n'ont pas les valeurs de la tradition à transmettre,
- à l'heure où sont nombreux ceux qui ont de l'influence et du pouvoir (souvent soutenus par des responsables de la diaspora) et qui sont prêts à une forme de paix définie par les adversaires et qui reposerait sur une liquidation de l'héritage,
- à l'heure où des défis donnant le vertige sont devant les électeurs et les responsables. Rachi nous donne là deux messages : - ceux qui construisent la terre d'Israël, c'est comme s'ils l'avaient créée; respectons-les. - ceux qui assureront aussi la véritable acquisition de l'héritage seront ceux qui y vivront selon les mitsvotes. Donc, les deux fonctions sont indispensables, comme deux membres d'un même corps. Rachi reprend ce que dit le Vayiqra Rabba 36, 4: "les cieux et la terre n'ont été créés que par le mérite d'Israël, car il est écrit 'au commencement Eloqim créa les cieux et la terre', or on sait que "commencement" se réfère à Israël", comme l'explique longuement Rachi dans son premier et long commentaire de toute la Torah qu'il faut relire. Pouvoir gigantesque de l'homme et du Juif dont D.ieu fait un associé direct dans Sa Création. Si Rachi ouvre tout ce qu'il a à dire sur la Torah par ces mots, c'est qu'ils sont d'une importance capitale. Nous comprenons mieux maintenant pourquoi Moché commence ce résumé de toute la Torah qu'est le livre Dévarim par ces questions également.
L'AMOUR FÉMININ DE LA TERRE D'ISRAËL En ces questions de la terre, hommes ou femmes nous devrions ressentir avec le ventre comme une mère sent toujours son enfant, avec son ré'hém, son ventre, sa matrice, mot qui indique "ra'hamim, la miséricorde" qui ne peut jamais se séparer
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physiquement de son enfant. Et non pas avec les seules idées froides des programmes idéologiques ou électoraux, et qui sont toujours capables de s'arranger avec toutes les forfaitures et toutes les jongleries. Pourquoi dis-je cela ? Sur quelle base de Torah ? Ne perdons plus notre temps sur ces fausses pistes qui ont perdu tant de générations de Juifs pour des idéaux illusoires en comparaison de la Torah. Parce que Rachi, ce maître que nous aimons, nous le dit toujours dans son admiration fondée pour les femmes d'Israël qui sauvent toujours leur peuple : dans Bamidbar 26, 64, quand Moché recense les hommes avant que le peuple ne franchisse le Jourdain, il constate qu'il ne reste plus en vie un seul des hommes qui n'avaient pas voulu entrer dans la terre d'Israël et qui s'étaient rebellés avec de grandes démonstrations idéologiques et politiques, tant ils craignaient les peuplades environnantes.
Tous ces politiciens de la défaite et de la paix par l'abandon, et qui pensent que la réalité est plus forte que la parole dite à Moché dans la Torah, étaient déjà tous morts physiquement le jour où le passage était devenu réalité, comme ils mouraient déjà dans leur âme dès le moment où ils voulaient abandonner la terre (lire les versets 26, 6465).
Et Rachi commente alors : "aval âl nachim lo nigzera guézérate hammeraglim, léfi ché héne mé'habevote éte ha aréts, mais la condamnation concernant les explorateurs n'était pas tombée sur les femmes car elles chérissaient la terre (d'Israël)". Il continue : les hommes disaient (Bamidbar 14, 4) : "donnons-nous un chef et retournons en Egypte" (comme aujourd'hui, certains disent : restons-en là, trouvons un autre chef et décidons de tout cela selon la Torah des Etats-Unis et de l'Europe"), tandis que les femmes disaient (Bamidbar 27, 4) : "donne-nous un héritage", et voilà pourquoi les femmes ont hérité dans les versets suivants alors que l'usage faisait que la transmission de l'héritage passait par les hommes. C'est le commentaire de Rachi. Il est certain qu'il a en tête cette espérance indéracinable qu'il y avait déjà chez Myriam seule quand tous les autres et tous les hommes étaient écrasés par l'esclavage ; c'est l'espérance indomptable des accoucheuses juives qui refusaient d'obéir au Pharaon, et la certitude de Myriam qui sauva son frère bébé, assurée que l'avenir serait retourné par Hachém. (Lire les commentaires de Rachi sur Chémote 1, 15-19 et 2, 1).
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RABBI NAHMAN DE BRESLEV
3. LA TERRE D'ISRAEL La Terre d'Israël n'a jamais cessé d'être l'horizon vers lequel les regards de notre âme sont dirigés depuis deux millénaires. Jamais n'ont cessé ces voyages héroïques entrepris depuis les quatre coins de la diaspora et au péril de la vie. Si le Baal Shem Tov et ses disciples n'ont rien innové en ce sens, ils ont cependant redonné des couleurs à ce blason de notre patrimoine. Par la parole, par l'écrit et par l'exemple surtout, ils ont montré combien notre attachement à la Terre d'Avraham, Yts'hak et Yaakov devait être maintenu vivant jusqu'au jour où retentira le Shofar du grand Retour. Rabbi Israël Baal Shem Tov entreprend le voyage mais il ne réussit pas. Rabbi Mena'hem de Vitebsk, Rabbi Avraham de Kalisk et de nombreux Tsadikim éminents quittent l'Europe pour s'installer en Terre Sainte. Des communautés 'hassidiques se forment à Safed et à Tibériade. Rabbi Na'hman entreprend un voyage et parvient à son but: fouler le sol de la Terre et en apprendre les Mystères. Dès son retour en Ukraine, il communique à son entourage cet amour passionné pour la recherche de la Pureté au Pays de la Pureté. Il renonce à publier les écrits antérieurs à ce voyage, estimant que les enseignements postérieurs à son voyage sont beaucoup plus élevés que ceux d'avant ('Hayé Moharan - Ma'alath Torato vesefarav 43). Il dira: `Ma place est en Terre d'Israël. Partout où je vais, je me dirige vers la Terre d'Israël. Momentanément je me trouve à Breslev ou ailleurs' (`Rayé Moharan - Nessi'ato leNoveritch 6). Il y a quelques années, un recueil a été publié réunissant tous les textes qui concernent la Terre d'Israël à travers les ouvrages de la 'Hassidouth de Breslev. Ce recueil comporte plus de cinq cent pages et nous ne pourrons hélas en donner qu'un très bref aperçu. Cependant, voici une page extraite de l'oeuvre de Rabbi Nathan et par laquelle le lecteur pourra se rendre compte de la place que ce thème occupe dans notre 'Hassidouth: "Voici ce que notre Maître vénéré, Rabbi Na'hman, nous a révélé... la grandeur surprenante et l'élévation de la Terre d'Israël. Ceci s'applique également aujourd'hui, bien que la Terre soit en état d'exil. Il déclara explicitement, au début du chapitre 20 du Likouté Moharan, que quiconque désire devenir juif au plein sens du terme, c'est-à-dire progresser d'échelon en échelon, ne pourra le faire que grâce à la Terre d'Israël. Lorsqu'on gagne la guerre et qu'on arrive en Terre d'Israël, alors seulement on s'appelle un héros... Puis Rabbi Na'hman révéla dans la suite de ce chapitre comment on peut arriver à accomplir cela, comment on réussit à venir en Terre d'Israël: Heureuses les oreilles qui ont entendu cela!
Peu après avoir entendu cette leçon, je lui demandai `Qu'entendez-vous par tout ceci, lorsque vous dites que l'essentiel est la Terre d'Israël? ' Alors, il s'emporta contre moi et
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répondit: `J'entends tout simplement cette Terre d'Israël avec ses maisons comme elles sont! Je veux dire tout simplement que chaque juif doit aller en Terre d'Israël, physiquement, cette Terre avec ses maisons, ses cours que l'on rencontre à Safed, à Tibériade et dans les autres lieux. Car toutes les Mitzvot doivent être accomplies le plus simplement, comme elles sont écrites. Et il n'est possible d'atteindre le degré de pureté que nous cherchons que grâce à la Terre d'Israël, celle que nous connaissons et vers laquelle voyagent les juifs.' Je compris alors que sa volonté était que nous nous rendions tous en Terre d'Israël tout simplement. Ainsi, plusieurs fois, au cours d'entretiens, il nous communiqua sa passion pour la Terre d'Israël et nous fit savoir qu'accomplir ce voyage était chose facile. Cela ne représente pas une fortune comme on le pense, ce n'est pas dangereux. Je compris donc et j'en conclus que sa volonté était que nous allions tous en Terre d'Israël...
... De même lit-on dans de nombreux autres passages de l'oeuvre de Rabbi Na'hman l'importance du devoir pour chaque juif d'aller en Terre d'Israël au moins pour une visite, s'il ne lui est pas possible de s'y installer et d'y vivre. Le coeur de Rabénou était embrasé de l'amour d'Eretz. Même après son retour de voyage, il continua à nourrir une flamme et un enthousiasme exceptionnels ainsi que certains en témoignèrent après l'avoir vu un Shabath à Lemberg, au moment de Séoudah shelishith. Ce moment est une heure privilégiée et, comme Rabénou s'entretenait de la sainteté de la Terre d'Israël, il fut pris par une sorte d'extase. La nuit était tombée depuis longtemps et on apporta des lumières. On dut le réveiller avant qu'il ne fût trop tard, car on avait vu le danger qu'il courait à cause de cette extase. Cet incident fut comparé aux derniers instants de Moïse, qui après 515 Prières se vit toujours refuser le droit d'entrer en Terre Promise. Mais plus il rencontrait de refus, plus son désir grandissait. Et ainsi, lorsqu'un Shabath après-midi l'Eternel lui dit: `Je te la ferai voir des yeux, mais tu n'y entreras point' (Deut.34:4), aussitôt après il est écrit: `Et Moïse mourut'. Son enthousiasme pour la Terre Promise avait ravi son âme...
...Que l'Eternel ait pitié de son Peuple et qu'Il nous envoie bien vite le Messie. Alors, nous reviendrons tous dans notre Pays et nous nous installerons sur notre Terre, celle où chaque juif a sa place; le saint Temple sera reconstruit, bien vite et de nos jours. Amen" (Yemé Moharanath début de la deuxième partie).
La Terre d'Israël ne s'obtient qu'au prix de souffrances et de difficultés (cf. Berakhoth 5a). * Par une prière sincère et fervente, on attire sur soi l'Esprit de Pureté qui règne en Terre d'Israël (Likouté Moharan I, 9). * Celui dont les intentions sont pures et sincères, dirigées vers le Ciel, et qui prend la route pour se rendre en Terre d'Israël afin de parvenir à revenir vers Dieu, à faire Techouvah, peut avoir l'assurance que ce voyage lui sera extrêmement profitable. Car dès qu'on arrive au Pays et qu'on y marche quatre coudées seulement, animé des
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intentions pures qui viennent d'être précisées, on est immédiatement comme transformé et l'on devient partie intégrante de la sainteté du Pays. Mais si notre intention n'est nullement de servir Dieu et de détruire le mal, à quoi sert-il d'habiter en Terre sainte? N'avons-nous pas vu que la Terre rejette ceux qui s'y installent en païens? (Likouté Etsoth - Erèts Israël 13).
Et voici les bénéfices que la Terre d'Israël offre à ceux qui s'y rendent avec de bonnes intentions:
- Affermir sa foi: en effet, ce qui distingue notre Pays des autres terres, c'est la possibilité d'y sentir plus concrètement l'intervention de la Providence dans chacun de nos actes. Ainsi qu'il est écrit: Un pays sur lequel veille l'Eternel, ton Dieu, et qui est constamment sous l'ceil du Seigneur, depuis le commencement de l'année jusqu'à la fin (Deut 11:12). Puisque nous pouvons constater l'intervention de Dieu, notre foi s'affermit plus que nulle part ailleurs (cf. Likouté Moharan 1 155; Sefer Hamidoth - Eretz Israël 1).
- La patience: cette patience n'est pas du tout une attitude passive, mais au contraire une réaction positive contre la colère, la paresse et la pesanteur qui nous empêchent de servir Dieu comme nous le devrions. En fait cette notion comprend deux aspects: supporter les épreuves et persévérer dans son combat (cf. Likouté Moharan 1 155).
- L'intelligence pour recevoir et déchiffrer correctement les messages que Dieu nous adresse à chaque instant à travers les événements de notre existence. En effet, si Dieu rétribue chacun selon ses actes (Sotah 9a), s'Il nous réprimande précisément sur les points où nous avons fauté (comme par exemple une maladie des mains pour qui aurait volé), ceci a pour but de nous aider à corriger nos fautes. Il faut tirer profit de ces leçons au lieu de subir les épreuves dans la colère et la révolte stériles. Il convient de réfléchir, de comprendre et d'améliorer (cf. Likouté Moharan II, 71).
- La paix: car divisions et querelles sont les conséquences d'une limitation de l'intelligence: on ne peut pas admettre un autre point de vue. En Terre d'Israël, notre conscience s'élargit et nous pouvons trouver la paix (ibid.).
Tout ce qui a été dit ici à propos de la Terre d'Israël s'applique également aux tombeaux des grands Tsadikim. Ces endroits, où qu'ils se trouvent, ont exactement la même sainteté que la Terre d'Israël, ainsi qu'il est écrit: Les justes posséderont la terre (Psaumes 37:29). En s'y rendant pour la Hiloulah ou pour y prier, on se purifiera (Likouté Etsoth - Erèts Israël 20). * Lorsque la Torah fait l'éloge de la Terre Promise, elle vante ses beaux fruits: grenades, dattes, olives, raisins, figues, blé et orge (Deut. 8:8). Elle nous parle du lait et du miel et des ruisseaux (Deut. 11:9)... Alors se pose une question: compte tenu du niveau très élevé de Moïse et de sa grandeur spirituelle, comment pouvons-nous imaginer un seul
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instant que ce qu'il a convoité si longtemps (cf. plus haut) était tout simplement un pays prospère où l'on déguste de bons fruits?
Ces fruits cachent donc un secret et la Kabalah nous le révèle. Chaque chose terrestre, chaque aliment dissimule sous son apparence matérielle un principe spirituel. Lorsque nous mangeons, si nous le faisons conformément aux indications de la Torah et avec des intentions nobles, nous élevons les propriétés cachées dans la nourriture. Il n'est pas besoin pour cela d'être un initié ni un érudit; il suffit tout simplement de suivre les indications du Shoul`han Aroukh, de prononcer la Berakhah avec cceur en pensant au sens simple des mots et alors s'opère la métamorphose: la matière est sublimée et devient esprit.
Mais pour cela et aussi simple que cela paraisse en apparence et en théorie, il faut surmonter l'épreuve, c'est-à-dire ne pas se laisser détourner par l'attrait purement physique de la chose. Car en sombrant dans la jouissance que procure la nourriture, on en oublie le but réel, on s'affaiblit spirituellement au point de ne plus pouvoir élever l'aliment. Certes, tant que notre alimentation demeure inscrite à l'intérieur du domaine Cacher, de grandes choses sont accomplies par notre intermédiaire. Il y a vraiment lieu de s'en réjouir. Mais cela n'atteint pas le degré idéal que nous avions décrit au début.
Et les fruits d'Israël sont précisément les enveloppes des plus belles découvertes spirituelles! A l'aide des innombrables prescriptions pour leur consommation, on est en mesure de jouir de vrais délices célestes qui sont en fait l'origine des délices terrestres. Voilà ce que convoitait si ardemment Moïse et voilà aussi pourquoi ces fruits sont au nombre de sept: allusion aux sept qualités (Midoth) que chaque fruit représente et favorise. Les sept peuples qui occupaient la Terre d'Israël ne sont autres que les sept défauts (chaque nation en possédait un) qui font obstacle à la conquête spirituelle de l'Idéal. Puisque la Tsedakah est le moyen clé qui permet de mettre tout cela en pratique, on comprend pourquoi les lois de la dîme (Maasser, Teroumah, etc), de la glanure, des dons aux pauvres et aux Cohanim étaient si nombreux en Terre d'Israël. Et l'on comprend aussi pourquoi les gens pieux ont coutume de donner une pièce à la Tsedakah avant chaque repas - ceci pour parvenir à élever chaque action et en particulier pendant le repas. Bien que nous soyons si loin de notre Terre, nous devons tout faire pour nous en rapprocher, ce qui nous vaudra le mérite d'y revenir bientôt... (Likouté Halakhoth - Birkath Hapèroth 4).
CONSEIL
LA TERRE D'ISRAEL 1) La prière ne peut prendre forme que par la foi authentique. La prière est liée au concept de l'accomplissement de miracles, et on ne peut accéder à ce niveau qu'en Eretz Israël, parce que c'est là que la prière s'élève vers les mondes supérieurs. Une telle foi permet de faire par sa prière des miracles et des prodiges véritables et tout ce
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qui est nécessaire dans le monde (Likouté Moharan 7: 1).
2) L'essence même d'Eretz Israël, comme concept spirituel, est liée à la foi et la prière. Si on souille Eretz Israël, on descend en exil. La prière part elle-même en exil, et il devient impossible de prier et d'opérer des miracles dans le monde (ibid.).
3) Faire vraiment partie du Peuple d'Israël, c'est s'élever constamment de niveau en niveau. Seule la sainteté d'Eretz Israël le permet. Le moindre mouvement qui élève vers la sainteté ne se fait que par Eretz Israël. Il en est de même pour la prière. Elle ne peut s'élever qu'en Eretz Israël (20).
4) C'est par le pouvoir de la Torah dont on s'imprègne que l'on peut accéder au niveau d'Eretz Israël. De même, quand on assiste au cours d'un Tsadik qui propage la Torah en public et dans le monde, on a sa part de la Torah qu'il révèle. Cela aussi nous donne la force de venir en Eretz Israël (ibid.).
5) On ne peut arriver en Eretz Israël sans difficultés et souffrances, qui ont pour cause l'image mensongère de la Terre dépeinte par les mécréants. Ils sont à la source de tous les obstacles. Mais la Torah dont nous nous imprégnons nous permet de vaincre tous les obstacles, les difficultés et les souffrances. Plus l'homme s'imprègne de Torah, et plus le tikoun qui en dérive est grand, plus grande est sa victoire sur les obstacles. Il réussira alors à venir en Terre d'Israël (ibid.).
6) Celui qui accède au niveau d'Eretz Israël mérite le titre de <guerrier vaillant». Avant d'accéder à ce niveau, «celui qui ceint l’épée ne doit pas se vanter comme celui qui la dépose» (Rois I, 20:11). Mais quand on remporte la victoire, on mérite le titre d «guerrier vaillant» (ibid.10).
7) Quand on fait la charité en faveur d'Eretz Israël, on se fond dans son atmosphère physique, souffle saint détaché de toute trace de péché (Chabath 119b). Grâce à ce souffle, les forces de sévérité et d'obscurité sont bannies du monde. C'est également le moyen d'éviter les pensées étrangères qui troublent la prière. L'esprit et les pensées retrouvent leur clarté et leur finesse: c'est un tikoun habrith - remède contre la souillure de l'Alliance Sainte (37:4).
8) La Terre d'Israël possède le pouvoir mystique de stimuler la procréation et d'apaiser les divergences et l'hostilité qui divisent le peuple. Grâce à sa sainteté, se révélera le guide et dirigeant authentique de notre génération. La vérité se propagera dans le monde, et même les nations païennes reviendront au Saint, béni soit-il, et Le serviront «d'un coeur unanime» (Tsephania 3:9) (48).
9) La prière récitée avec force et concentration et la Mitzvah de la Soucah sont une ségoulah pour venir en Eretz Israël, car la prière, la Soucah et la Terre d'Israël forment un seul et même concept et sont interdépendants (ibid).
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10) Ce n'est que par l'aspect de la Terre d'Israël qu'on arrive à voir la chute des mécréants (cf. 55:1).
11) Une prière récitée avec ferveur révèle des étincelles de la lumière de nos ancêtres, Avraham, Isaac et Jacob (cf. La Prière 51-56). Les Patriarches ont jeté les fondations de notre foi qui s'incarne dans nos prières. La vie de nos Patriarches était entièrement liée à la Terre d'Israël, tout comme notre foi. Par conséquent, grâce à une prière authentique, nous pouvons ressentir la sainteté de la Terre d'Israël, même de nos jours où nous sommes en exil et que la Terre elle-même se trouve sous la domination des forces de l'Autre Côté. C'est ainsi qu il est écrit dans la Torah: «même quand les juifs se trouvent sur la terre de leurs ennemis, ... à moins qu'alors leur coeur incirconcis ne s'humilie... et Je me ressouviendrai de mon alliance avec Jacob, mon alliance aussi avec Isaac, mon alliance aussi avec Avraham, je m'en souviendrai, et la Terre aussi jé m'en souviendrai» (Lévitique 26:41-42). Grâce à la révélation de la sainteté d'Eretz Israël, nous assisterons à la destruction des mécréants, et non seulement nous en serons délivrés, mais nous les verrons endurer le mal même qu'ils cherchaient à nous infliger. On mérite tout cela en cherchant chez les mécréants leur bon côté, et les Tsadikim qui prodiguent le bien verront alors la face de Dieu. (55:2-3).
12) La Mitzvah de la 'halah - prélèvement sur la pâte - est aussi liée à la Terre d'Israël. Elle aussi révèle la lumière [du mérite] de nos ancêtres et la sainteté de la Terre et tout ce qui est précité (ibid. 8).
13) On ne devrait se rendre en Eretz Israël que pour un motif spirituel, celui de se rapprocher de Dieu. Celui qui s'y rend dans ce but sera certainement récompensé. Le simple fait de la fouler permet à l'homme de se fondre dans son atmosphère et de se transformer grâce à son caractère sacré. C'est pourquoi celui qui parcourt quatre coudées en Eretz Israël, héritera assurément du Monde Futur (Kethouvoth 111). Celui qui en revanche s'y rend pour des motifs étrangers à la dévotion divine et la purification de ses souillures, sera vomi de la Terre, comme il est écrit: «... comme elle a vomi le peuple qui l'habitait avant vous» (Lévitique 18:28) (29).
14) La sainteté de la Terre d'Israël peut faire accéder à la foi pure. Elle conduit à ce souffle, long, profond, calme, remède contre la colère, la dépression et la lourdeur. Rien ne pourra troubler ni mettre des obstacles sur le chemin de celui qui supporte tout s'en s'énerver et s'adonne avec zèle au service divin (155).
15) Implore Dieu de te faire désirer ardemment la Terre d'Israël, te languir d'elle. Tu pourras alors t'y rendre. Prie aussi qu'Il imprègne le coeur de tous les Tsadikim d'un ardent désir pour là Terre. C'est un remède contre la colère et la dépression (ibid.).
16) Dieu récompense l'homme «mesure pour mesure». Nulle part ailleurs cette récompense n'est plus exacte qu'en Terre d'Israël. Mais en fait, c'est une manifestation
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de bonté. Si nous prenons conscience du fait que Dieu agit avec nous conformément à nos actes, en pensant aux situations qu'il nous impose, nous pouvons réfléchir sur notre propre conduite et apprendre à l'améliorer (187).
17) La sainteté de la Terre d'Israël est le summum de la sainteté; elle embrasse tous les autres niveaux de sainteté. C'est là qu'on peut se libérer complètement du point de vue matérialiste, selon lequel les événements suivent le cours naturel des choses. On peut prendre conscience du fait que tout provient de la Main de Dieu et y croire fermement. Quand l'homme en prend conscience, il partage avec Dieu le pouvoir de séparer la lumière de l'obscurité. Le Midrach commente que la «lumière» se réfère aux actes des justes, tandis que les «ténèbres» font allusion aux faits des mécréants (Béréchith Rabah 2). Il est très bon de rappeler les actions des hommes intègres. De telles histoires aident l'homme à clarifier son esprit. Mais pour chaque épisode de la vie du Tsadik, nous trouvons une histoire correspondante se rapportant à la vie du mécréant - parce que le royaume du mal est un reflet du domaine de la sainteté. On nous apprend par exemple que Pin'has s'envola dans les airs. C'est ce qu'on nous rapporte également de Bil'am, le mécréant - qui, lui, se servit de sorcellerie pour le faire. Le pouvoir de séparer la lumière des ténèbres nous permet de distinguer les histoires qui concernent les Tsadikim de celles qui n'ont aucun rapport avec eux. Pour séparer la lumière des ténèbres, il faut avoir atteint le niveau de foi ultime auquel on ne peut accéder qu'en Terre d'Israël (234).
18) On ne peut connaître l'illumination et la sagesse véritables qu'en Terre d'Israël. Mais même les juifs qui se trouvent dans la Diaspora peuvent les y puiser. Chaque juif a sa part dans la Terre, et elle est proportionnelle à la sagesse qu'il y puise. Mais ceux qui déshonorent le Tout-Puissant, à Dieu ne plaise, sont coupés de la splendeur de la Terre d'Israël et chutent au niveau de la conscience des «Juifs de la Diaspora», source de tous les conflits et de toutes les dissensions tellement fréquents (II, 71).
19) L'illumination qu'on acquiert en Terre Sainte possède cette qualité de «charme», le charme de la Torah dont toutes les voies sont paix. Le don de la charité, et plus particulièrement en faveur de la Terre d'Israël, façonne un récipient destiné à «recueillir» ce charme. On peut alors dépasser la mentalité et la conscience des «Juifs de la Diaspora». Mais si l'homme sombre profondément dans la mentalité qui provient du manque de respect envers Dieu, il devient difficile de l'en tirer, et cette conscience étrangère peut même commencer à contaminer la Terre d'Israël elle-même. La paix fait place à des dissensions même sur la Terre d'Israël. C'est pourquoi de nos jours, les dissensions y sont aussi profondes qu'à l'extérieur (ibid.).
20) Les tombes des Tsadikim ont littéralement la sainteté de la Terre d'Israël, comme il est écrit: «...les justes posséderont la Terre» (Psaumes 37:29). La Terre d'Israël est un grand tikoun de la souillure de l'Alliance Sainte. C'est pourquoi on doit faire tout son possible pour se rendre sur la tombe des Tsadikim. La sainteté de leur sépulture est un tikoun de l'Alliance (109).
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LIVRE: LE POINT TRES ETROIT Eretz Israël Rabbi Yits'hak Breïter écrit (La vie quotidienne d'un 'Hassid Breslev, #27): «Chaque jour de ta vie, montre de la nostalgie, prie et fais un effort sérieux pour aller t'installer et vivre en Israël, ou au moins pour y parcourir quatre coudées. Tu acquerras ainsi la patience et pourras avancer de degré en degré, jusqu'à ce que tu atteignes la sainteté totale. C'est la plus grande victoire que l'on puisse remporter dans ce monde.»
Nos Sages enseignent (Kethouvoth, 111a): «Quiconque parcourt quatre coudées en Israël se voit réserver une part dans le Monde Futur.» Ayant passé sa jeunesse parmi les dirigeants du mouvement 'Hassidique, et plus particulièrement avec quelques-uns qui prirent part à la première alyah en 1787, Rabbi Na'hman n'était pas étranger à la place de choix que la Terre d'Israël doit trouver dans le coeur et l'esprit de tout juif. Il savait sûrement que notre maître Moïse récita cinq cent quinze prières afin d'avoir le mérite d'entrer dans le Pays, et était familiarisé aux nombreux enseignements talmudiques concernant son importance. Rabénou était en outre certainement conscient du fait que son arrière grand-père, le Baal Chem Tov, faillit faire le sacrifice de sa vie pour parcourir ces quatre coudées précieuses en Terre Sainte.
«Quand on vient en Eretz Israël, on s'appelle un «guerrier vaillant», écrit Rabbi Na'hman, en conclusion d'une leçon ésotérique très complexe (Likouté Moharan I, 20 fin). Avant de commencer ce cours, Rabbi Na'hman avait enseigné: «Quiconque veut être Juif - ce qui signifie s'élever de degré en degré - ne peut y réussir que par le biais d'Eretz Israël. Quand il gagne la bataille et arrive en Terre Sainte, on l'appelle le «vaillant guerrier». - Que voulez- vous dire par: «la Terre d'Israël est tellement grande qu'elle constitue la victoire principale?» lui demanda Rabbi Nathan. - Je voulais parler d'Israël, avec ses maisons et ses pierres, répondit Rabénou. Il voulait voir chaque Juif, qui désire vraiment être Juif, se rendre en Eretz Israël. Même si on rencontre un grand nombre de difficultés, même si on doit franchir d'innombrables barrières apparemment insurmontables, on doit déployer tous ses efforts pour y arriver. Rabbi Na'hman parla ensuite des obstacles terribles et des grands dangers auxquels il dut faire face lors de son pèlerinage en Terre Sainte (Tsadik, #141).
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LE PELERINAGE DE RABBI NA'HMAN
Le pèlerinage de Rabbi Na'hman en Terre Sainte eut lieu en 1798, à l'apogée de la campagne Napoléonienne au Moyen Orient. Son retour en 1799 fut suivi de plus grands dangers encore. Ses pérégrinations et ses peines sont détaillées dans les ouvrages Chiv'hé Moharan,Tsadik (#26-47). Nous offrons au lecteur un certain nombre de points culminants du voyage de Rabbi Na'hman, pour montrer ce que signifie se sacrifier pour une Mitzvah.
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A sa famille, qui essayait de le dissuader d'entreprendre le voyage, Rabbi Na'hman dit: «La plus grande partie de mon être s'y trouve déjà. La minorité doit suivre la majorité» (Chiv'hé Haran). Accompagné d'un de ses disciples, Rabbi Na'hman partit de Medvedevka le jour de Lag Baomer (4 mai 1798). Voyageant sur terre et sur mer, ils atteignirent Odessa, un port sur la Mer Noire. De là, ils prirent un bateau pour Istamboul, peu après Chavouoth. A Istamboul, deux émissaires de Terre Sainte le confondirent avec quelqu'un d'autre et le maltraitèrent. Ils allèrent jusqu'à demander au concessionnaire du bateau de ne le laisser embarquer sur aucun bateau. (Naturellement, quand l'émissaire découvrit plus tard l'identité de Rabbi Na'hman, il ne sut comment l'aider). A cette époque, la plupart des gens entreprenaient le voyage par la Turquie, la Syrie et le Liban, pour atteindre Israël. Rabénou voulait néanmoins voyager par bateau, car la traversée était beaucoup plus courte. Ayant appris que la Turquie s'était alliée à la Grande-Bretagne et avait déclaré la guerre à la France, la communauté juive refusa de laisser des Juifs partir d'Istamboul. Ce n'est qu'après l'insistance d'un rabbin de Jérusalem, qui se trouvait de passage en Turquie, que la communauté permit la location d'un bateau pour ceux qui voulaient partir pour Israël. Ils mirent les voiles début septembre, une dizaine de jours avant Roch hachanah. Pendant la traversée, une violente tempête menaça de faire chavirer le bateau et, quelques jours plus tard, leur réserve d'eau s'épuisa, mettant en danger la vie de tous les passagers. Ils souffrirent ainsi pendant trois jours jusqu'à ce qu'un vent violent les poussât vers le port de Jaffa, le dimanche 9 septembre, 28 du mois d'Eloul. Tellement proche d'Eretz Israël et cependant si éloigné, Rabbi Na'hman fut forcé de rester à bord parce que les Turcs le soupçonnaient d'être un espion français. Cette nuit, le bateau leva l'ancre et navigua vers le port de Haïfa. Le lundi matin, 29 Eloul, veille de Roch hachanah 5559, Rabbi Na'hman réalisa le rêve qu'il avait depuis si longtemps caressé: parcourir quatre coudées en Terre Sainte. «Aussitôt que je parcourus ces quatre coudées, dit-il, j'avais atteint mon but» (Chiv'héHaran).
Il passa Roch hachanah, Yom Kipour et Soucoth à Haïfa, le plus souvent extrêmement heureux et joyeux. A l'issue des fêtes, il voulut rentrer chez lui, mais son disciple insista pour qu'ils se rendent à Tibériade, et c'est ce qu'ils firent après Soucoth. A Tibériade, ils rencontrèrent les grands maîtres du 'Hassidisme. Rabbi Na'hman y passa la majorité de l'hiver (jusqu'à Pourim, mars 1799). Il visita également Safed et Méron et se recueillit sur les tombeaux des Tsadikim. Durant son séjour, des troubles provoqués par l'armée turque éclatèrent à Tibériade, qui fut également frappée par de nombreuses épidémies. Rabénou projeta de se rendre à Jérusalem, mais n'y parvint pas. Après la conquête de Jaffa par Napoléon, il devint particulièrement difficile de quitter la Terre Sainte. Rabbi Na'hman décida cependant de partir au plus tôt, car les troupes napoléoniennes s'avançaient en direction de Acco et semblaient prendre le plein contrôle de la côte. Rabénou retourna à Acco et loua une place dans un bâteau neutre; mais, par suite du chaos qui y régnait alors, il s'embarqua accidentellement en compagnie de son disciple dans une barque qui les conduisit sur un bateau de guerre
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turc ancré à Haïfa. Le bateau partit le lendemain matin en direction de l'île d'Antalya, près de la côte turque, sans que Rabbi Na'hman eût le temps de faire des provisions pour le retour. En ce temps, les indigènes de la région offraient impitoyablement comme sacrifice humain tout Juif qui tombait entre leurs mains. Exposés à un très grave danger, Rabbi Na'hman et son disciple restèrent cachés dans leur cabine pendant trois jours.
Une violente tempête s'éleva alors, qui brisa les cordes de l'ancre. L'équipage perdit tout contrôle du bateau qui fut balancé toute la nuit par les vagues d'une mer en furie. Le lendemain matin, il s'avéra qu'ils avaient été repoussés vers Acco. Une violente tempête souffla de nouveau dans l'après-midi et, pendant plusieurs jours et plusieurs nuits, le bateau fut le jouet des flots. Il finit par prendre l'eau. Pour la première fois de sa vie, Rabbi Na'hman pria Dieu d'être sauvé par le mérite de ses ancêtres, le Baal Chem Tov, Rabbi Na'hman Horodenker et sa grand-mère Odel. La voie d'eau fut bien vite repérée et bouchée. Rabbi Na'hman récita alors les Psaumes avec une grande joie. Pessa'h s'approchait et ils étaient à court de provisions. La veille de la fête, le bateau débarqua à Rhodes. Le capitaine pensa vendre Rabbi Na'hman et son disicple au marché d'esclaves. Quand les dirigeants de la communauté juive eurent vent de leur situation fâcheuse, ils lui firent envoyer à bord des matsoth et du vin pour faire le Séder de Pessa'h, puis le libérèrent ainsi que son disciple des mains du capitaine turc.
Rabénou débarqua à Rhodes pendant Pessa'h. A l'issue de la fête, la communauté lui réserva des cabines dans un bateau en partance pour Istamboul. Les membres de la communauté leur donnèrent également une lettre, demandant à toutes les communautés de les aider si besoin était. Ils arrivèrent en fin de compte à Galetz, en Mer Noire (Roumanie actuelle)... Durant la traversée de retour de Rhodes, il dut faire face à la peste, il fut maintes fois soupçonné et emprisonné... Il arriva en fin de compte chez lui peu après Chavouoth, en juin 1799.
Tout au long de sa vie, Rabbi Na'hman loua le Ciel de lui avoir donné la force et l'endurance nécessaires pour accomplir le pèlerinage en Eretz Israël. Il consacra de nombreux cours à la sainteté du Pays, encourageant ses disciples à déployer tous leurs efforts pour s'y rendre. «J'ai tracé le chemin», dit-il (Tsadik, #141). «Mes disciples peuvent maintenant entreprendre le voyage à moindres risques.»
LA GRANDEUR D'ERETZ ISRAEL Rabbi Na'hman enseigne (Likouté Moharan II, 78): «La Torah est l'essence même de la vie et, s'en séparer, équivaut à se séparer de la vie. Comment peut-on alors se dégager de la Torah, même pour un moment? Il est néanmoins impossible de rester attaché à la Torah vingt-quatre heures par jour, sans interruption. Il y a des besoins physiques auxquels il faut veiller. Qu'en est-il alors de ceux qui sont tout à fait incapables d'étudier la Torah? Comment peuvent-ils survivre? Nous pouvons en outre poser la même question pour le monde entier: qu'est-ce qui a soutenu l'univers avant la Révélation du Sinaï? Grâce à quel mérite le monde vivait-il
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avant que la Torah ne fût donnée? C'est la Miséricorde infinie de l'Eternel qui soutenait le monde avant la Révélation... Le «chemin vers Eretz Israël» ressemble exactement à la Miséricorde divine éternelle. Elle a le pouvoir de faire vivre, même celui qui est éloigné de la Torah...» «La Terre d'Israël est directement soutenue par la Providence divine qui y fait descendre la sainteté et la sagesse. Nos Sages disent à cet effet (Baba Bathra, 158a): «L'air de la Terre Sainte rend sage. Cette sagesse provient du sentiment de délice que l'Eternel éprouve à l'égard des âmes juives» (Likouté Moharan, 40).
A la lumière de ces deux enseignements, nous pouvons comprendre un peu l'importance incomparable de la Terre Sainte. Ses pouvoirs sont énormes et se manifestent même dans notre vie quotidienne. Eretz Israël apporte littéralement vie et sagesse, non seulement à nous, mais au monde entier. Rabénou enseigne en outre (idem I, 7, 1): «La foi véritable, la prière, les miracles et Eretz Israël constituent un seul et même concept.» Chacun d'entre eux est lié à l'autre et le renforce. La foi nous pousse à prier. Nous croyons qu'il y a quelqu'un à qui adresser nos prières et que nos voeux seront exaucés. En priant, en suppliant l'Eternel de nous aider quand nous sommes dans le besoin, nous voyons les miracles s'accomplir. Le pouvoir de la prière est tel qu'il peut provoquer le surnaturel; et c'est le concept de la Terre Sainte qui défie les phénomènes naturels. «Le mérite d' Eretz Israël apporte aux femmes stériles la joie d'avoir des enfants» (Likouté Moharan I, 48).
«Eretz Israël est appelée la Terre de la Vie; c'est par elle que se propage toute la prospérité du monde» (idem, 47).
«C'est en Eretz Israël qu'on peut acquérir les qualités de patience et de sérénité (erekh apaïm) parce que la Terre Sainte a le pouvoir d'annihiler la colère si néfaste. Prie Dieu pour qu'Il implante en toi et en tout Juif un désir ardent pour Eretz Israël (idem, 155).
* * * LE PAYS DU LAIT ET DU MIEL «Car l'Eternel, ton Dieu, te conduit vers une bonne terre, une terre avec des cours d'eau, des sources et des torrents, qui se répandent dans la vallée ou sur la montagne, une terre qui produit le blé et l'orge, le raisin, la figue et la grenade, l'olive huileuse et le miel des dattes... C'est un pays où tu ne manqueras de rien...» (Deutéronome 8, 7-9). La Torah, le Talmud, le Midrach, le Zohar et presque tous les écrits saints chantent la beauté et les merveilles d'Eretz Israël. «Où sont toutes ces merveilles? Où est ce pays de lait et de miel? Où sont les fruits qui conquirent des nations?» (cf. Béréchith Rabah, 98, 12) pourrait-on naturellement se demander. Ces questions semblent bien légitimes. Rabbi Yéhochoua ben Lévi s'exclamait (Kethouvoth, 112a): «Garde tes fruits, ô Eretz, ô Terre! A qui les donnes-tu? Aux Arabes qui t'ont prise à cause de nos péchés.» Le Talmud (idem, 111b) s'extasie sur la taille et le goût des fruits produits en Terre Sainte: «Une grappe remplissait trente fûts de vin, le miel suintait des dattes à tel point que les
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gens y pataugeaient.» Où sont ces fruits aujourd'hui? Comme nous dit Rabbi Yehochoua, la Terre d'Israël est très fidèle à ses propriétaires légitimes. Quand les juifs y habitent, elle produit ses fruits; sinon, elle s'assèche. Nous avons eu, en fait, dans notre génération, le mérite de voir cela de nos propres yeux. Quand les Juifs commencèrent à revenir en Eretz Israël et à travailler la terre, elle commença à produire ses fruits. Qu'en est-il alors des enseignements talmudiques vantant la qualité et la taille de fruits fantastiques? Où sont-ils? Les Juifs ont peiné, cultivé sans cesse. Où sont les fruits bénis? Cette question devient encore plus pressante à la lumière de l'enseignement de Rabbi Na'hman (mentionné plus haut) que toute prospérité descend dans le monde par le biais de la Terre Sainte. Pour répondre à cette question, tournons-nous vers un autre enseignement de Rabbi Na'hman sur Eretz Israël. On ne doit s'établir en Terre Sainte [et y bâtir] que dans le but spirituel de se rapprocher de Dieu. Quiconque s'y rend dans cette intention y réussira certainement. Il suffit qu'il y mette pied pour qu'il se fonde dans la Terre Sainte et se transforme grâce à son caractère sacré. Si, en revanche, il s'y installe dans un autre but que celui de se rapprocher de Dieu, «la terre le vomit, comme elle a vomi tout le peuplè qui l'habitait avant...» (Lévitique 18, 28) (Likouté Moharan I,129).
Les juifs entrèrent en Terre Sainte pour des raisons spirituelles, et accédèrent à des niveaux spirituels. Ils ont peut-être péché, ils ont même été peut-être punis, mais, après tout, ils se développèrent spirituellement jusqu'à mériter de bâtir le saint Temple. Ils furent cependant exilés quelques centaines d'années après et y retournèrent après le miracle de Pourim, mais ils en furent une fois de plus chassés. Avec eux disparurent tout le goût et la valeur de leurs fruits, du fait que leur spiritualité avait sombré dans les abîmes (Sotah, 48a). Bien qu'aujourd'hui les Juifs vivent à nouveau en Terre d'Israël, sa sainteté reste cachée. Nous avons encore un long chemin à parcourir pour améliorer notre rendement spirituel, condition sine qua non pour que la Terre améliore le sien. «L'Eternel paie l'homme mesure pour mesure», (Sanhédrin, 90a). Nulle part ailleurs ce principe n'est plus minutieusement appliqué qu'en Terre d'Israël. C'est néanmoins réellement [une preuve de] la Bonté Divine. Si nous savons que Dieu nous récompense proportionnellement à nos actes..., nous pouvons apprendre à améliorer nos voies» (Likouté Moharan I, 187).
Vivre en Terre Sainte n'est guère facile. C'est cependant un sentiment des plus agréables et flatteurs, que tout Juif devrait désirer ardemment connaître grâce à ses efforts. Nous devons également comprendre que nous ne nous trouvons à l'heure présente qu'au seuil de la révélation de la sainteté d'Eretz Israël. Si nous nous attachons fermement à nos désirs spirituels, si nous nous engageons vivement envers notre Terre et ce qu'elle représente - sa valeur spirituelle - nous aurons le mérite de voir la grande transformation physique d'Eretz Israël. «Dans l'avenir (à l'avènement du Machia'h), la Terre d'Israël produira des miches de pain prêtes à être consommées et des habits de soie prêts à être portés. Même les arbres improductifs donneront des
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fruits» (Kethouvoth,111b). «La sainteté de la Terre d'Israël est la quintessence de la sainteté; elle embrasse tous les autres niveaux de sainteté. C'est là qu'on peut se libérer complètement de ce point de vue matériel selon lequel les événements suivent l'ordre naturel des choses, et on peut ainsi être conscients que tout vient de la Main de Dieu» (Likouté Moharan I, 234).
L'EXIL D'ERETZ ISRAEL «Déploie l'étendard qui doit rallier nos exilés, et rassemble-nous tous des quatre coins de la terre» (Prière de la Amidah). Rabbi Nathan explique ainsi ce passage que nous récitons trois fois par jour (Likouté Halakhoth, Birkath hayaréa'h, 4, 45): «Là où même un seul juif a été exilé, Dieu considère que tous les Juifs l'ont été. Là où se trouve une présence juive, les «étincelles de sainteté» qui existent à cet endroit sont réunies et rectifiées. Une telle rectification provoque à son tour le rassemblement de tous les exilés. Les Juifs ont été disséminés dans tous les coins du monde, précisément afin de rassembler toutes ces étincelles de sainteté. Rabbi Nathan demande alors: «Si la mission des exilés consiste à corriger et à rassembler tout le bien qui a été dispersé dans des lieux éloignés, les seuls qu'on devrait logiquement y trouver sont les justes -ceux don les actes provoqueront cette rectification. Il n'en est cepe dant pas ainsi; bien au contraire: nous trouvons que la plupart des Juifs qui se trouvent très éloignés de la communauté juive sont ceux qui n'observent généralement pas la Torah et les Mitzvot. Comment concevoir que ces gens, qui ont besoin eux-mêmes d'une rectification sérieuse, puissent corriger les étincelles de la sainteté? Comment peuvent-ils provoquer le rassemblement des exilés? «La réponse se trouve cependant dans l'exil lui-même. Si, pendant leur séjour en Terre Sainte, les juifs n'ont pas observé les préceptes divins, comment espérer qu'ils les observeront dans la Diaspora? Si dans le lieu qui incarne l'accomplissement même de notre existence spirituelle, nous n'avons pas gardé contact avec Dieu, qu'en peut-il être quand nous sommes assujettis à l'influence des nations.
Mais la Torah (Deutéronome 4, 27-29) affirme: «...[l'Eternel] te dispersera parmi les peuples... c'est là que tu chercheras l'Eternel.» C'est là, de l'exil, que tu chercheras Dieu, et non de la Terre Sainte? Comment est-ce possible?
Pendant qu'ils se trouvaient en Terre Sainte, les Juifs étaient très proches de l'Eternel. Ils avaient en fait le sentiment qu'ils L'avaient déjà trouvé. Ils cessèrent par conséquent de Le chercher, et leur aspiration ardente à la spiritualité s'éteignit. S'ils avaient été en Diaspora, cela n'aurait pas été si grave, mais parce qu'ils se trouvaient dans la Terre de la Sainteté, dans «le Palais du Roi», chacune des pensées impures, et chacune de leurs mauvaises actions, était considérée comme une grande tache. Et chaque tache en entraîne une autre, comme il est écrit (Pirké Avoth 4, 2): «Un péché en entraîne un autre». C'est ainsi que l'exil finit par se produire. Mais tout n'est pas perdu. Au contraire, maintenant que les juifs sont en exil, maintenant que nous sommes éloignés de la sainteté de la Terre Sainte, nous pouvons
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précisément commencer à ressentir notre éloignement de Dieu. Nous pouvons nous éveiller et rechercher en nous notre judaisme, notre Torah, notre foi. Nous pouvons maintenant commencer à demander l'aide du Ciel, parce que précisément là, dans l'exil, la plus petite pensée, la moindre parole, le moindre acte, sont très précieux aux yeux de l'Eternel.» Les paroles de Rabbi Nathan nous font ainsi comprendre que chaque inclinaison que nous provoquons sur le plateau du mérite constitue un aspect du rassemblement des exilés. En nous trouvant en exil, tout en aspirant ardemment à nous trouver en Eretz Israël, nous élevons les étincelles de sainteté et les ramenons - ainsi que nousmêmes vers la Terre Sainte! Rabbi Ya'acov Guédaliah Tefilinsky fait remarquer la ressemblance des termes eReTZ et RaTZone, désir. Eretz Israël signifie ainsi, d'après lui, je veux être Juif!
LA TERRE SAINTE DE NOS JOURS On doit comprendre que tout comme la sainteté de Dieu et Sa gloire sont cachées durant l'exil, la sainteté, la beauté et la gloire de la Terre d'Israël ne peuvent irradier avant l'arrivée du Machia'h. La beauté physique de la Terre est aujourd'hui reconnue de tous. Quiconque a visité le pays au début des années 1960 peut personnellement témoigner des vastes progrès dans la gachmyouth (confort physique, matériel) qui y ont été accomplis au cours des années. Avec un compte en banque modeste, on peut à présent s'y offrir le confort des sociétés les plus modernes, et Israël - qui n'était à ses débuts qu'un pays de colons pauvres, n'a rien à envier dans ce domaine aux pays les plus techniquement développés. Pour trouver cependant la rou'hanyouth - la beauté spirituelle du pays-il faut bien chercher. Elle existe certes, mais il faut la rechercher. On pourrait s'attendre à être inondé, à sa descente d'avion, par un courant de spiritualité. Rabbi Na'hman enseignait différemment (Likouté Moharan II, 116): «A la façon dont la Torah chante les vertus d'Eretz Israël, on pourrait conclure que la Terre Sainte ne fait pas du tout partie du monde physique. Il n'en est cependant rien. Aussi grande qu'elle puisse vraiment être, la Terre Sainte fait partie de la réalité physique [c'est un pays de la Planète Terre comme un autre]. Le niveau de sa grandeur spirituelle est néanmoins au-delà de toute imagination. Sa sainteté est l'exemple même de toute sainteté.
Nous ne devrions donc pas nous laisser décevoir et décourager quand nous visitons Eretz Israël sans y trouver la sainteté que nous sommes venus y chercher. Débarquer à Lod, ce n'est pas marcher en dehors de la planète. Ce qui se trouve dans toutes les villes du monde existe également en Israël. Peut être ne devrait-il pas en être ainsi, mais c'est un fait. Ce que nous devons faire, c'est chercher les «bons côtés» de la Terre Sainte, tout comme nous le faisons quand nous jugeons autrui. Faisons ce que disait le Roi David (Psaumes, 128,5): «Considère le bien dans Jérusalem tous les jours de ta vie!» Prions d'avoir le mérite de voir le bonheur d'Israël. Essayons d'y faire un pèlerinage, et même d'y vivre. Aucun obstacle ne peut se dresser contre la volonté d'une personne
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(cf. Zohar II:162b). Même si nous ne pouvons, à l'heure présente, y habiter, gardons ce projet constamment à l'esprit. Pensons à la Terre Sainte. Réfléchissons-y. Qui sait? On pourrait même s'en faire une image totalement intellectuelle que l'on garderait toujours en soi. Comme disait une fois Rabbi Na'hman: «Ma seule demeure, c'est Eretz Israël. Là où je vais, je ne fais que m'y rendre» (Tsadik, #53).
LA CHARITE EN FAVEUR D'ISRAEL Le Choul'han Aroukh (Yoré Déa', 251:3) explique que l'on doit donner en priorité à la famille plutôt qu'aux étrangers, et la charité pour sa propre communauté doit précéder les dons à des communautés éloignées. Certains commentateurs soutiennent néanmoins que les pauvres de la Terre Sainte ont priorité sur tout. Rabbi Na'hman enseigne (Likouté Moharan I, 37:4): «La charité en faveur de la Terre Sainte est de loin plus importante que celle donnée pour des juifs de la Diaspora. Offrir une contribution en faveur d'Eretz Israël permet à l'individu d'être inclus dans l'«air» de la Terre Sainte [l'air qui l'entoure est purifié, dans ce sens qu'il respire l'air de sainteté dont la source se trouve en Terre Sainte]. Cette sainteté aide à révéler le mérite des Patriarches et apporte la miséricorde dans le monde. No'am haElyon, le Délice Supérieur, constitue la source de tout ce qui est plaisant et agréable dans le monde. Tout sentiment de délice que nous éprouvons a sa source en cette qualité de Dieu. Un flux en descend quotidiennement sur la terre, apportant la rectification et la réparation du niveau inférieur de l'Intellect, connu sous le nom de l'Intellect de la Diaspora, en l'élevant au niveau connu sous le nom de l'Intellect de la Terre Sainte. Ce dernier implique une plus grande connaissance, une plus grande compréhension de Dieu. Mais il faut un récipient pour recevoir ce Délice Suprême. On crée un tel récipient en donnant pour la Terre Sainte (Likouté Moharan 11, 71).
Rabbi Nathan écrit (Tsadik, #562): «J'ai appris de Rabbi Na'hman que le [meilleur] moment pour faire la charité pour la terre d'Israël est le mois d'Adar. Les gens de la Terre Sainte l'accepteraient volontiers toute l'année, mais Adar est le mois le plus propice. On peut et on doit cependant donner tout le reste de l'année. Rabbi Nachman dit «Je veux absolument me rendre en Eretz Israël. Je sais que mon chemin sera parsemé d'embuches mais je continuerai aussi longtemps que mon âme sera dans mon corps et qu'un souffle de vie sortira de ma bouche. Et Dieu fera ce qui semble bon à Ses yeux. »
7. Rabbi Nachman dit «Chaque pas que j'intenterai vers Eretz Israël sera au risque de ma vie. Je veux partir tout de suite, peu importe comment, même si je n'ai pas un sou. Ceux qui auront pitié de moi me donneront quelque chose. »
UNE TERRE DE LAIT ET DE MIEL C'EST À CE NIVEAU QUE LES EXPLORATEURS (MÉRAGUÉLIM) ENVOYÉS PAR MOCHÉ RABBENOU POUR ESPIONNER LA TERRE D' ISRAËL, ONT FAUTÉ Dans le Likoutey Moharan, Torah 66 tôme 1, Rabbi Na'hman dévoile que le but des obstacles et des empêchements est de renforcer chez le Juif la volonté de surmonter
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ces obstacles et ces empêchements. Car la volonté est une très grande chose , Celui qui n'arrive pas à atteindre un niveau spirituel parce que celui-ci est supérieure à ses capacités du moment, ne doit pas pour autant arrêter d'espérer, même si ce niveau est trés éloigné de lui. C'est pourquoi nos Sages ont enseigné que chaque homme est obligé de se demander quand ses actions arriveront-elles à la hauteur des actions d'Avraham, Its'hak et Yaakov. Désirer devenir un Tsadik ou étudier toute la Torah n'est pas une chose sans valeur, bien au contraire. Il faut l'exprimer au niveau de nos prières et de nos languissements, en ayant confiance que tout est possible pour D-ieu, sans se décourager de pouvoir réussir un jour.
C'est à ce niveau que les explorateurs (Méraguélim) envoyés par Moché Rabbenou pour espionner la terre d' Israël, ont fauté. Même s'ils commencèrent à louanger la terre en disant qu'elle était de lait et de miel (c'est à dire qu'ils confirmèrent que les languissements envers Israël étaient justifiés), ils continuèrent leur rapport en affirmant que les habitants du pays (les empêchements) étaient trop puissants pour être vaincus. C'est à dire que les obstacles étaient plus forts que notre volonté. Ils calomnièrent ainsi la Terre d'Israël et le peuple les crut et se mit à pleurer. Ce jour où ils pleurèrent est le jour le plus noir de notre histoire car il s'agit du 9 Av, date de la destruction des deux Temples. Avec leur médisance, les explorateurs avaient détruits la volonté et la motivation du peuple Juif. Les enfants d'Israël se laissèrent aller au découragement et cessèrent de languir, ils n'écoutèrent pas Caleb Ben Yéfouné et Yéhochoua Ben Noun qui les suppliaient de garder confiance en D-ieu, car le but des obstacles n'est pas de repousser l'homme mais de lui donner encore plus envie d'y arriver. Un enfant n'aura jamais autant envie d'un jouet que lorsque celui-ci lui est inaccessible. Maintenant, dans la mesure où les explorateurs étaient tous des chefs de tribus, donc des gens spirituellement très élevés, de véritable Tsadikim, il nous reste à comprendre quel est l'erreur d'appréciation qui les a poussé à commettre une telle faute.
Rappelons le contexte. Le peuple est nourri sans effort avec la manne, il est abreuvé sans fatigue grace au puits de Myriam et il est protégé de toute agression extérieure par la nuée miraculeuse qui les entoure. Il ne lui reste plus qu'à étudier tranquillement la Torah. Cette situation est en tout point identique à celle du bébé dans le ventre de sa mère, il est nourri, abreuvé, protégé et un ange lui apprend la Torah. Mais un jour où l'autre, il faut bien sortir et le premier contact avec la réalité est traumatisant, du jour au lendemain on se retrouve dans une situation inconnue, apparemment insurmontable. Les explorateurs ont été découragés à l'idée de pouvoir conquérir Eretz Israël, d'après ce qu'ils voyaient, la mission était impossible. Et voici leur faute, ils appuyèrent leur position sur leur compréhension personnelle des choses au lieu de se reposer sur la foi simple que D-ieu tiendrait Sa promesse de leur livrer le pays entre les mains. Rabbi Na'hman nous enseigne dans la Torah 7, tôme 1 du Likoutey Moharane, qu'Eretz Israël correspond à la Emouna (confiance en D-ieu), à la prière (languissements) et aux miracles. C'est seulement dans un tel état d'esprit qu'on peut "conquérir" physiquement et spirituellement la terre d'Israël. Car Eretz Israël n'est pas un pays comme les autres,
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on ne peut vouloir le maitriser ou le comprendre avec notre intelligence. C'est pour cela que la terre est appelée une terre de lait et de miel, car dans leur logique d'existence ces deux aliments ne sont pas normaux. Premièrement, la Torah qui a tellement insisté pour qu'on ne mélange pas de lait et de viande, nous permet la consommation de lait alors que celui-ci provient directement du corps de la vache. Deuxièmement, l'abeille est un animal taref, interdit à la consommation, pourtant le miel qu'elle concocte en son sein est absolument autorisé. Si nous avions analysé ces deux cas avec notre intelligence, nous aurions logiquement déduit que le lait et le miel sont interdits. Alors restons humbles et mettons notre intelligence de côté car la logique de D-ieu dépasse de très loin notre compréhension, seuls les très grands Sages arrivent à en saisir des parcelles et il nous faut suivre leurs directives. Eretz Israël est la preuve la plus flagrante que l'impossible est possible, le retour sur la terre, les guerres miraculeuses, un peuple qui retourne chez lui, tout cela est bien au dessus des lois de la nature, c'est toujours la main de D-ieu.
Par conséquent, ne laissons pas les obstacles et les empêchements prendre le dessus sur notre volonté. Aujourd'hui, je n'arrive peut-être pas à faire telle chose mais je ne me découragerai pas, je continuerai à prier, désirer et languir, en faisant au moins ce qui est dans mes capacités. L'obstacle est un appel de D-ieu afin que nous comprenions que sans Lui, nous ne pouvons rien faire. Cette prise de conscience doit nous amener à multiplier nos prières et nos languissements, à vouloir toujours et encore. Et avec un peu de patience et de persévérance, tous nos efforts seront récompensés dans ce monde ci et dans le monde futur, Amen! Rabbi Nahman de Breslev
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EXTRAIT DES ÉCRITS DE RAV CHLOMO AVINER
Livre: Fleur de Feu Pensées sur la Paracha
VAYETSE LE MERVEILLEUX SAUT DE JACOB
Afin d'echapper a son frère Esaü qui le poursuit dans l'intention de le tuer, Jacob est contraint de quitter la terre d'Israël: "Et Jacob sortit de Beershéva et alla vers Haran" (Genèse, XXVIII, 10).
Haran se trouve à l'extérieur des frontières d'Israël. Or c'est en se rendant à Haran que se produit un événement inattendu : "Il heurta 'Le Lieu' et il y passa la nuit car le soleil s 'était couché. Il prit une pierre de l'endroit, la mit sous sa tête et se coucha" (Genèse, XXVIII, I l). Quel est donc ce ":lieu" dont l'importance est telle qu'il est ainsi mentionné dans la Tora ?
En fait, c'est le 'lieu' de Dieu.
Rachi nous précise qu'il n'est pas stipulé dans ce verset de quel lieu il était question, mais nous savons qu'il s'agissait du mont Moriah (L'actuel mont du Temple à Jérusalem), à propos duquel il est écrit, dans un autre passage de la Bible: "Abraham vit le lieu de loin". En effet, lorsque Abraham reçut l'ordre de sacrifier son fils Isaac, Dieu ne lui précisa pas sur quel emplacement devait intervenir ce sacrifice. Mais Abraham vit le lieu de loin: "Le troisième jour, Abraham éleva ses yeux et vit le lieu de loin" (Genèse, XX11, 40). Comment a-t-il pu donc comprendre qu'il s'agissait bien du mont Moriah ? C'est que, selon Rachi, notre patriarche vit, grâce à son esprit prophétique, une nuée envelopper la cime de la montagne: il saisit d'emblée que le lieu vers lequel il se dirigeait était empreint de sainteté.
Deux générations plus tard, Jacob arrive lui aussi sur ce même emplacement. Nous ne pouvons manquer d'être surpris par la tournure prise par cet évenement: Jacob est en route vers l'exil de Haran et, soudain au lieu d'y parvenir directement, voilà qu'il se retrouve dans l'endroit le plus saint et le plus central de la terre d'Israël. Nos sages expliquent qu'il fit alors un "saut miraculeux".
Comment interpreter cet épisode ? Célèbre disciple du Rav Abraham Itshak Hacohen Kook et déjà réputé pour sa sagesse bien avant l'arrivée de ce dernier en Eretz Israël, le rav Harlap affirme que ce "bond miraculeux" ne doit pas être perçu Comme
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l'illustration d'une simple curiosité géographique, mais bel et bien comme un événement extraordinaire dont la signification est extrêmement profonde: lorsque l'homme est imprégné d'une volonté tenace et qu'il veut absolument parvenir à quelque chose de très important à ses yeux, il cherche et trouve toujours l'option d'un "raccourci".
Ainsi, souvent, à force de volonté et de ténacité, ce qui semblait éloigné et difficile devient proche et plus accessible. Pour le rav Harlap, cet épisode miraculeux de l'histoire de Jacob constitue une préfiguration, sur une échelle plus large, les tentatives du peuple d'Israël de revenir vers sa terre ancestrale, celle qui lui a été promise par l'Eternel.
Le message que reçoit Jacob est prémonitoire: I'amour de notre peuple pour Eretz Israël est si intense que nous assisterons, tout au long de ce processus de retour vers la terre reçue en héritage par les patriarches, à un raccourci historique. Ainsi, avant la création de l'Etat d'Israël, le projet sioniste semblait-il être une véritable utopie. Tout paraissait impossible et difficile. Mais impossible, dirons-nous, n'est pas juif ! Lorsque l'on possède une volonté tenace d'aboutir, on arrive à surmonter les difficultes et à résoudre les problèmes les plus insolubles.
Profondément amoureux d'Eretz Israël, Jacob franchit donc d'un seul bond la distance qui le sépare du mont Moriah et, à peine arrivé, il se couche et s'assoupit. Bien qu'effectivement il ait de bonnes raisons d'être fatigué, remarquons pourtant qu'il est assez rare que la Tora mentionne ce genre de détails superflus. Or si le texte biblique stipule que Jacob s'allonge et s'endort, là, sur les pierres du mont Moriah, c'est que son geste revêt une importance particulière.
Justement, dans son sommeil, I'Eternel lui apparaît et lui dit: "Je suis l'Eternel, le Dieu d'Abraham ton père et le Dieu d'lsaac. Cette terre sur laquelle tu es couché, Je te la donne à tol et à ta postérité" (Genèse, XXVIII, 13) On remarque donc que Dieu insiste sur le fait que Jacob s'est bel et bien couché sur cette terre et nos commentateurs de s'etonner: Seulement la terre sous laquelle il s'est allongé ? Autrement dit: ces quelqlues coudées seraient-elles un héritage si important ? Le Midrach nous raconte que Dieu réalisa alors un nouveau miracle :Il rassembla toute la terre d'Israël et la placa sous Jacob (rapporté par Rachi).
Nous apprenons de ce récit que, pour ceux qui la désirent ardemment, la terre d Israël sera aussi facile à conquérir que ces quatre coudées (Rachi, ibid.). Car, lorsque l'on est attaché à Eretz Israël, tout devient plus facile. Abraham avait reçu précédemment un ordre: "Lève-toi et promène-toi sur cette terre car je te la donnerai" (Genèse, XIII, 17). Les Sages du Talmud ont expliqué que cette "promenade" d'Abraham sur la Terre promise a facilité, plus tard, sa conquête par les Enfants d'Israël (Traité Baba Batra, p. 100/a). En se promenant aux quatre coins d'Eretz Israël, il entendait témoigner de son profond attachement. Or cet amour pour Israël qui s'est manifesté tout au long des générations sans jamais se démentir, a facilité et justifié notre reprise de possession de
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la terre ancestrale.
Et nous constatons qu'au fil des générations ce lien se raffermit: si Abraham ne faisait que se "promener" sur la terre d'Israël, son fils Isaac,lui, y réside bel et bien, comme il est écrit: "Installe-toi dans le pays" (Genèse. XXVI, 2). Quant à Jacob, il va jusqu'à se coucher sur ce sol, manifestant ainsi un attachement sans borne.
Nous comprenons mieux maintenant cette multiplicahon de détails fournis par la Tora sur cet épisode: "Et il prit des pierres du lieu et il les plaça sous sa tête, et il se coucha en ce lieu". Le commentateur "Tzror Hamor" (contemporain de l'inquisition en Espagne) affirme que c'est justement en raison de son amour pour les pierres d'Israël que Jacob s'en est servi comme oreiller ! Et notre commentateur de rapprocher cette situation du verset: "Car tes serviteurs ont désiré ces pierres et sont amoureux de sa poussière" (Psaumes, 102, 15).
Jacob est donc amoureux de la terre et des pierres, et il les "embrasse". A la fin du livre du Kouzari, on touche au problème de la venue du Messie. :Rabbi Yéhouda Halévi affirme que le Messie ne viendra que lorsque le peuple sera devenu follement amoureux de Jérusalem, comme il est écrit: "Lève-toi et tu prendras en miséricorde Sion car le temps est venu, car tes serviteurs ont voulu ses pierres et sont amoureux de sa poussière" (ibid, 14, 165). L'amour du peuple juif pour la terre d'Israël a ainsi la faculté de renforcer également l'attachement de Dieu pour cette terre: I'amour d"'en-bas " éveille l'amour d"'en-haut" .
Nos Sages racontent qu'en vertu du verset précité, rabbi Hyia Bar Gamda avait l'habitude de se rouler dans la poussière d'Israël et que rabbi Abba embrassait quant à lui les rochers de la cité d'Akko (Traité talmudique Ketouvot, p. 112, a/b). Lorsque le Talmud énonce aussi ce fameux verset, Rachi, de manière très exceptionnelle, ne fait que le recopier sans y ajouter nulle autre explication dans son commentaire traditionnel ! Selon le Gaon de Vilna, le grand commentateur a agi de la sorte car il avait parfaitement compris que nos deux Sages respectaient l'essence même de ce verset au plus profond de leur être et qu'ils réagissaient donc avec un amour illimité.
On demanda à Rabbi Yeoshoua Mikoutna s'il etait judicieux de promouvoir un mouvement d'alya vers Eretz Israël afin que le peuple se décide à y monter, à s'y installer et à y construire. Il répondit positivement et inséra dans son explication un élément messianique:un profond désir anime en fait toutes les composantes de notre peuple. Aucun doute à ce sujet: toutes sont animées d'un profond et sincère amour d'Eretz Israël ! Et par conséquent la lumière de la Guéoula (la Rédemption) commence à apparaître (Yéchouot Molko, Yoré Déa responsum 66).
Celui qui aime profondément et sincèrement la terre d'Israël sait plus facilement surmonter les obstacles qui pourraient se dresser dans la concrétisation de son amour. *****************************
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CHELAH
LE DUR COMBAT POUR ERETZ ISRAEL !
Lorsque les explorateurs reviennent de leur mission et n'hésitent pas à calomnier la terre d'lsraël en faisant le terrible récit des difficiles épreuves qui attendent le peuple Juif, Moïse semble être totalement pris au dépourvu: il donne l'impression de plonger dans un profond désarroi.
L'attitude embarrassée de Moïse face aux "explorateurs" déblatérant contre Eretz Israël nous apparaît à juste titre comme indigne du plus grand des prophètes censé mener le peuple juif vers la terre promise- alors que cette faute des explorateurs va le conduire pendant quarante longues années à devoir faire une longue traversée du désert.
Pourtant, on peut être certain que Moïse savait pertinemment que la décision d'entrer en Israël se heurterait à une opposition véhémente au sein du peuple. Or nous constatons avec surprise que ce grand leader qu'est Moïse semble désemparé: ce n'est guère la réaction que nous serions en droit d'attendre de la part d'un homme de l'envergure de Moïse, surtout pas lorsqu'un enjeu tel que la conquête de la terre d'Israël se trouve en cause !
Moïse n'aurait-il pas dû prévoir que cet immense défi n'était peut-être pas susceptible d'être relevé par un peuple - dont on avait déjà pu constater qu'il avait quelques difficultés à faire face aux épreuves ?
Mais la Tora nous enseigne que ce n'était là de la part de Moïse qu'une surprise feinte. En effet, il s'était bel et bien préparé à ce genre de réactions au sein de la nation, et il avait compris qu'une polémique sur l'importance centrale de la terre d'Israël était inévitable.
Remarquons qu'au moment précis où l'extraordinaire plan divin de la Sortie d'Egypte et de l'entrée en Terre sainte semble devoir ne pas aboutir - en raison du comportement des explorateurs - la parole divine s'empare de Moïse et ne le quitte pas. Lorsqu'il réagit, c'est le souffle divin qui l'anime et qui lui dicte les directives qui s'imposent face au peuple.
Confronté à cette terible épreuve de force, Moïse délivre la solution divine en un seul coup "Renforcez-vous !" avait-il lancé en ultime recommandation aux explorateurs inquiets avant leur départ (Bamidbar, XIII, 20) . En fait, cette injonction explique et résume tout.
Car notre prophète ne minimise nullement les difficultés: il reconnaît qu'il n'est guère facile de bâtir un Etat et une société en Eretz Israël. Comme le disait le poète Nathan Alterman, on ne reçoit pas un Etat "sur un plateau
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d'argent" ! De nombreuses difficultés d'ordre économique,politique et militaire vont se dresser devant nous, sans parler de terribles difficultés spirituelles: n'allons-nous pas subitement être confrontés à une culture qui n'est pas la nôtre, une culture étrangère et interdite, mais non moins attirante et même "ensorcelleuse" ?
Moïse est parfaitement conscient de tout cela ! Son message est clair et précis: le peuple doit se "renforcer". Le peuple d'Israël ne possède-t-il pas en lui-même les forces morales et spirituelles indispensables pour surmonter l'épreuve ?
Dans le Traité talmudique Berakhot (p. 32/b), nos Sages expliquent que quatre types d'activités exigent une énergie toute particulière: I'étude de la Tora la prière, les "bonnes actions", et enfin l'entrée et le maintien en Eretz Israël.
En effet, étudier la Tora, c'est plonger dans un "autre monde", se détacher des contingences matérielles, consacrer des heures entières à un approfondissement spirituel, dévouer son temps à de difficiles analyses morales, juridiques et parfois même philosophiques ? On le sait, chaque membre du peuple d'Israël est appelé à consacrer, dans la mesure de ces moyens, son temps libre à l'étude. Mais sa route est encore longue et ardue, et il faudra encore beaucoup de temps jusqu'à ce que l'homme récolte enfin les fruits délicieux de cette étude profonde !
La prière est également une forme de combat: I'homme qui prie doit en permanence dominer ses pensées et se concentrer afn de s'adresser en toute pureté à son Créateur pour se hisser vers des aspirations et des idéaux bien plus élevés que ceux de la vie quotidienne. La prière est paradoxalement d'une nécessité incontournable, et, simultanément, I'un des plaisirs les plus nobles et les plus purs qui soient ! Mais là encore, la route est longue: ce n'est que lorsque l'on tient bon malgré les échecs et les difficultés que l'on peut y parvenir !
Même accomplir de "bonnes actions" est parfois pénible. N'est-il pas fréquent en effet que celui qui rend un service à son prochain ne recoive pour toute récompense qu'une gifle vexante ! En fait, il n'est pas suffisant de faire seulement acte de bonne volonté: il faut également un certain courage et une forte dose de détermination !
L'homme juif doit aussi avoir toujours en perspective la terre d'Israël.Comme le Talmud raporte la parole de Joab, fidèle soldat du roi David, et son genéral le plus dévoué, celui qui s'est mesuré avec réussite à la destruction de nos ennemis: "Soyons forts et courageux pour notre peuple, et pour les villes de notre Dleu" (Chemouel 1;, 10). Il faut comprendre que certaines tâches confiées à l'homme par le Tout-Puissant ont justement presque pour vocation d'être ardues: elles peuvent aboutir à de teribles crises et de graves polémiques !
En général, il est vrai que notre tradition nous recommande de ne pas tenter de progresser "à contre-courant", mais plutôt d'être capable de marcher "entre les gouttes
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de pluie". C'est un peu comme si un voilier devait naviguer dans une seule direction avec des vents contraires ! Le capitaine devra prendre soin de ne pas s'entêter, de peur de dechirer ses voiles, de briser son mât, et de finalement sombrer dans les profondeurs marines !
Pourtant, il existe des exceptions formelles à cette règle de vie. Car, en tant qu'êtres humains, nous savons pertinemment qu'il est des épreuves inévitables auxquelles nous devons impérativement nous mesurer.
L'étude de la Tora, la prière et la bonté constituent trois de ces épreuves. Elles exigent de l'homme un effort soutenu tout au long de la vie, sans lequel aucune satisfaction ne peut être ressentie. Il faut donc apprendre à s'armer de patience !
Il en est de même pour la terre d'Israël. Il faut une longue patience historique et de nombreuses souffrances pour la mériter. Ainsi de nos jours en terre d'Israël, n'existe-t-il pas un seul arpent de terre qui ne soit imprégnée de sang juif ! Pas de pierre sur laquelle la sueur des travailleurs juifs de toutes les époques n'ait coulé. Et ce "don de soi" se poursuit depuis des siècles jusqu'à nos jours !
Ceux qui ont répandu ces naïves images d'Epinal sur les lendemains- qui-chantent de l'Etat d'Israël - susceptible de résoudre immédiatement tous les problèmes auxquels il serait confronté - n'ont pas rendu un grand service à la nation juive: ce sont eux les véritables responsables de nos déceptions, et donc, par là-même, ceux qui ont engendré un certain désespoir et l'esprit défaitiste souvent décelable aujourd'hui dans de nombreux secteurs I
Evidemment, il serait déplacé de nous plaindre car ce serait une attitude de profonde ingratitude envers Dieu: ceux qui savent garder les yeux ouverts et qui ont touJours eu le sens des proportions, ne peuvent-ils pas en effet constater les extraordinaires miracles dont a bénéficié le peuple juif pendant le dernier siècle de son histoire en terre d'Israël ?
Ne remarquons-nous pas, presque quotidiennement que de nombreuses et anciennes prophéties relatives à l'avenir du peuple juif et à sa résurrection au pays d'Israël, sont en train de se réaliser malgré toutes nos difficultés ? N'avons-nous pas déjà vécu l'incroyable événement de la création de notre Etat souverain et l'avènement de notre indépendance politique si longtemps attendue ? Ne constatons-nous pas encore bouche bée face aux exploits de Tsahal qui n'a cessé, pendant plus de quatre décennies, de repousser les agressions de nos ennemis, venus aussi bien de l'extérieur que de l'inténeur ? N'avons-nous pas aussi assisté à la reconquête de notre pays ancestral et à l'élargissement de nos frontières, le tout couronné par la réunification du véritable joyau de la nation juive qu'est la ville de Jérusalem ?
Et ce n'est pas tout ! Plus que jamais dans son histoire, notre peuple aspire à présent à
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retourner vers ses sources religieuses et spirituelles. Jamais les Yeshivot et les centres d'étude de la Tora n'ont autant fleuri qu'aujourd'hui à travers tout le pays !
Alors lorsqu'on embrasse du regard l'ensemble de ces réalisations, on admet que rien ne pourra ternir l'éclat de la parole divine qui parcourt les monts de Judée.
Même si la route est longue et difficile, nous continuons à être les acteurs de notre propre histoire ! **********************
BO LES BATISSEURS DU TEMPS ET DE L'ESPACE
"L'Eternel parla à Moïse et à Aaron dans le pays d'Egypte en disant: 'Ce mois-ci est pour vous le commencement des mois; il sera pour vous le premier mois de l 'année' " (Exode, Xll, 1-2).
……………Il faut aussi ajouter que, de même que nous vivons dans le temps, nous vivons également dans l'espace - un espace en l'occurrence spécifique au peuple d'Israël : la terre d'Israël. Selon la Halakha, la loi juive traditionnelle, cette terre constitue pour nous un cadre de vie indispensable et même sine qua non. Et c'est la raison pour laquelle les lois concernant la sanctification des fêtes et la désignation des néoménies ne peuvent être édictées qu'en Eretz Israël. Dans son livre sur le Khouzari, rabbi Yéhouda Halévi cite, preuve à l'appui, que la terre d'Israël est bel et bien la terre de la Tora (Kouzari, II, 20). Maimonide insiste quant à lui sur le fait que comme il n'existe pas, de nos jours, de Grand Sanhédrin, la Cour suprême pour le droit public et privé, en Eretz Israël capable de proclamer la néoménie, nous devons nous référer aux repères calendaires conçus ad vitam eternam.
Ainsi, le calendner hébraique en vigueur aujourd'hui est-il Désormais fondé sur ce qui avait été fixé jadis par les habitants d'Eretz Israël, et il n'a pour but que d'élucider leurs fixations (Malmonide, Livre des commandements - Commandement positif § 153). Selon le Rambam, il existe donc un lien entre la dimension du temps et celle de l'espace, entre la sanctification du temps et celle de l'espace.
Maimonide démontre ceci par l'absurde: "Si nous supposions par exemple que le peuple juif était totalement absent de la terre d'Israël en dépit de la promesse divine, notre calcul et notre calendrier seraient nuls et non avenus" (ibid.).
La perpétuation du calendrier hébraique et de tout le système bien structuré des fêtes juives a comme fondement la présence permanente de Juifs en Eretz Israel, même si cette présence fut parfois infime. Car c'est cette continuité - une sorte de "support" - qui permet à la trame du temps de ne pas s'écouler sans signification et sanctification.
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L'un des principaux décisionnaires de la génération précédente, Rabbi Moshé de Presbourg - plus connu sous le nom de Hatam Sofer – affine davantage ces propos de Maïmonide en disant: "Effectivement, s'il ne reste aucun Juif en Eretz Israël, même si une grande partie du peuple juif était présente à l'étranger, cela impliquerait l'anéantissement de notre nation puisgu'il serait impossible de déterminer le temps et les fêtes juives" (Responsa, Yoreh Dea, 244). Et le Hatam Sofer d'insister sur le fait que tant qu'il demeurera de simples Juifs en Eretz Israël, même seulement des vignerons, nous pourrons continuer à pratiquer les fêtes selon la loi Juive .
C'est cette chaîne jamais rompue de la sanctification du temps dans l'espace spécifique d'Eretz Israel qui rend possible de sanctifier les jours de fêtes juives dans le monde entier. S'il était advenu que l'absence de Juifs en ce lieu ait pu être un jour totale, les fêtes auraient disparu dans le monde entier, générant ainsi l'anéantissement du peuple d'Israël.
Ce premier commandement de la Tora énonçant la règle de fixation de la néoménie définit donc le peuple d'Israël comme une nation particulière dont la qualité première est de pouvoir sanctifier le temps. Elle associe de manière indissoluble le peuple à sa terre, et permet à la trame du temps de persister avec toute sa profondeur régénératrice.
LIVRE: LE VERGER DE JOËL
CHELAKH UN PEUPLE ET SA TERRE Nous sommes parfois surpris de remarquer chez certains de nos coreligionnaires, au demeurant extrêmement pieux et scrupuleux dans les respect des six-cent treize commandements, une très nette distance dans les relations qu'ils entretiennent avec la Terre d'Israël ainsi qu'avec le vaste ensemble de préceptes qui lui sont pourtant liés.
Cette constatation vaut pour trois aspects de ce que l'on a coutume d'appeler l'ensemble des lois de "prise de possession de la terre", ychouv haaretz : la montée en Israël, aliya laaretz ; l'installation et la construction de foyers, de villes ainsi que la plantation de forêts sur cette terre : yechivat haaretz ; l'impérative nécessité de lutter, et même de se dévouer pour la protection de la souveraineté du peuple d'Israël sur cette terre: yérouchat haaretz. Surprenante en elle-même, l'attitude de ces juifs "oublieux" n'est pourtant pas nouvelle. Déjà dans le Livre du Kouzari de Rabbi Yéhouda Halévi, l'interlocuteur du Sage s'était étonné qu'après avoir chanté les plus extraordinaires liturgies et prononcé les propos les plus saints et les plus respectueux des prières relatives à la Terre d'Israël, le peuple juif demeurait toujours en exil. Visiblement pris de court par un tel reproche, le Sage avait alors reconnu son incapacité à le réfuter : "Tu me fais honte, roi des Kazars" (Kouzari 11, 24).
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Ces propos confirment donc la légèreté de l'intérêt que portent certaines communautés membres du peuple juif pour la Terre d'Israël, laissant même parfois déceler une incompréhension profonde de la vitalité du lien qui unit le peuple d'Israël à sa terre. Or ce rapport conflictuel et ambivalent prend sa source bien avant l'anecdote contée dans le Kouzari. Par ailleurs Rabbi Yéhouda Halévy cite aussi le fameux précédent d'Ezra et de Néhémie, intervenu après la destruction du Premier Temple: déjà en ces temps, ces deux leaders incontestés de la diaspora de Babylone avaient appelé le peuple juif au retour en Eretz Israël : or seule une infime partie des exilés avait répondu favorablement à cet appel. En effet, l'immense majorité du peuple, conduite et dirigée par des personnalités de grande valeur intellectuelle, avaient opté pour la passivité et une certaine facilité en préférant demeurer en Babylonie, bien que les principaux initiateurs de ce mouvement d'aliya, Ezra, Néhémie et les trois prophètes, Haggay, Zacharie et Malachie, étaient les plus hautes sommités spirituelles de l'époque. Selon Rabbi Yéhouda Halévi, l'origine de cette indifférence quasi générale n'était pas idéologique, mais économique: déjà à l'époque, le peuple juif avait eu beaucoup de difficultés à délaisser cette source d'abondance matérielle qu'était la Babylonie. S'étant rapidement lié avec son entourage et acquérant rapidement des biens substantiels, il ne pouvait plus se détacher de ses obligations commerciales. Tant et si bien que le Talmud (Traité Ketoubot, 25) apporte ce témoignage : "Lorsque Ezra les fit monter, tous ne montèrent point", et Rachi d'expliquer : "La plupart préféra rester en Babylonie comme il est écrit : 'Toute l'assemblée [qui monta en Israël] comptait quarante mille personnes". C'était l'ensemble de la aliya conduite par Ezra et Néhémie en Eretz Israël. Tous les textes confirment qu'il s'agissait là de gens issus de classes sociales défavorisées ou bien d'une noblesse plutôt contestable. Rachi explique dans un commentaire du Talmud que, malgré ses efforts, Ezra n'avait pas trouvé de gens suffisamment raffinés et distingués pour l'accompagner : "Ceux-là, dit Rachi, coulaient des jours paisibles en Babylonie, tandis que ceux qui avaient décidé de s'installer à Jérusalem vivaient dans la misère et la peine, en travaillant dur et dans la crainte de leurs voisins" (Kiddoushin 69). Dans son ensemble, le peuple redoutait évidemment les difficultés d'intégration et d'acclimatation devant lesquelles il risquait de se trouver confronté en Terre d'Israël. Car il n'est pas évident de s'extraire d'un entourage dans lequel on a vécu plusieurs décennies, a fortiori des siècles, surtout pour venir résider dans un lieu dangereux. Ce n'est pas un hasard si la première épreuve d'Abraham fut celle du déracinement complet : "Lekh Lekha ! Va pour toi, quitte ton pays, ta patrie, la maison de ton père, vers le pays que Je t'indiquerai". (Genèse, 18, 2). Dans notre section shabbatique, la Tora nous enseigne que les précurseurs de cette relation complexe entre le peuple juif et sa terre furent en fait les "explorateurs". Après avoir fait sortir le peuple juif d'Egypte pour le conduire vers la Terre d'Israël, Moïse décide d'envoyer douze explorateurs afin de rendre compte de l'état de ce pays. Or leur verdict est des plus sévères : "C'est une terre qui dévore ses habitants" (Nombres, XIII, 32). Ses occupants sont gigantesques : "Car le peuple qui se trouve dans ces terres est extrêmement puissant, les villes sont très, fortifiées et nous avons
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vu là-bas la progéniture des géants. Amalek habite la région du Néguev, le Hittite, le Jébuséen et l’Amorréen résident dans la montagne, tandis que le Cananéen occupe le littoral et la rive du Jourdain" (ibid, 28-29). "Et les personnes qui sont montées avec lui dirent : nous ne pourrons marcher contre ce peuple car il est plus fort que nous. Nous avons vu là-bas des géants, fils de géants et nous étions à leurs yeux comme des sauterelles, ainsi nous fûment à leurs yeux" (ibid, 31-33).
Tous ces propos pessimistes nous éclairent sur la difficulté du peuple juif à se mesurer avec les épreuves qui surgissent inopinément. Dans le désert, la vie était relativement calme et précisément réglée : les Enfants d'Israël mangeaient de la manne, un pain miraculeux qui venait du ciel. La nuit, la colonne de feu les protégeait et le jour, ils bénéficiaient de la présence, permanente et rassurante d'une colonne de fumée. Comment, dans ce contexte, se retrouver la cible d'un peuple de barbares apparemment plus puissants ? Cela ne correspondait pas du tout à l'idée que le peuple se faisait de ce pays "où coulent le lait et le miel". Dans leur for intérieur, les Enfants d'Israël considéraient ce défi comme une régression par rapport à leur situation antérieure. Ce sont tous ces facteurs réunis qui expliquent alors en partie la réaction apeurée de ces princes-explorateurs, lesquels représentaient pourtant aux yeux du peuple le pouvoir et le summum de l'échelle sociale : "Et Moïse les envoya du désert de Paran, selon la parole divine, tous étaient des hommes, des chefs des Enfants d'Israël" (ibid., XIII, 3). Rachi précise encore que ces chefs étaient des personnages foncièrement intègres et qu'à ce moment précis, ils l'étaient encore (Rachi, ibid.). Plus tard, lorsqu'ils revinrent, il est écrit : "Et toute l'assemblée éleva la voix et ils pleurèrent cette nuit" (ibid., XIV, 1). Rachi explique que cette assemblée était composée de gens sages et honorables qui formait un Sanhédrin. Or comment des personnes d'une telle envergure avaient-elles pu douter ainsi et chuter ? Le célèbre ouvrage d'édification morale Messilat Yesharim, le sentier de Rectitude, croit pouvoir avancer que ce leadership de la nation avait été victime d'une grave défaillance psychologique : ces gens-là, ces princes, étaient persuadés que leur arrivée en Israël s'accompagnerait d'une inévitable dégradation de leur statut social. Le Messilat Yecharim dévoile clairement les origines de la médisance des explorateurs à l'égard de la Terre d'Israël : "La nature humaine est faible. Le coeur est entaché de toutes sortes de désirs et, pour les satisfaire, il s'autorise des arguments fallacieux" (Messilat Yesharim, X). Les explorateurs savaient fort bien que leur position de chefs valait uniquement pour la période de transition du désert. Ils craignaient, peut-être inconsciemment, que leur honneur ne soit bafoué une fois arrivés en Eretz Israël Et c'est pour le préserver qu'ils n'ont donc pas hésité à mentir et à effrayer le peuple. Ce faisant, ils ont entraîné leur propre mort et celle de toute leur génération : "Car là-bas ils ne seraient plus princes d'Israël et d'autres le seraient à leur place" (ibid., 11).
Rabbi Moshé Haïm Luzzato, l'auteur du Messilat Yesharim, tire ses sources de textes ésotériques comme le Zohar : "Dans le désert, ils [les explorateurs] étaient les premiers,
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mais en Terre d'Israël, ils deviendraient comme tout un chacun" (Zohar, III, 158/a). Il n'est en effet jamais très aisé de renoncer à un statut privilégié ! Toute décision en ce sens est le résultat d'un combat intérieur parfois douloureux, et il est possible que même des gens importants n'en viennent à trébucher. C'est ce que prouve l'exemple du roi Saül : "C'était un souverain extrêmement humble qui ne recherchait pas les honneurs, mais une fois propulsé à la tête du royaume d'Israël, une sombre et violente jalousie se mit à le dévorer surtout lorsqu'il se retrouvait face à David. Car Saül avait fuit la grandeur, mais après y avoir accédé, il voulut tuer David" (Menahot, 109 b). En fin de compte, le message de la Tora est évidemment spirituel et universaliste : il reste vrai indéfiniment et partout. Pourquoi donc, pensent certains, serait-il nécessaire de le concrétiser sur une terre spécifique ou même dans le cadre d'une nation souveraine ? De prime abord, des individus, en tous lieux et quels qu'ils soient, pourraient librement s'élever dans les hautes sphères de la spiritualité juive. C'est là une approche connue mais profondément erronée, comme le confirme le texte suivant : "Voici ton roi viendra, il règnera sur la première et dernière génération. Et Dieu proclame aux justes de la génération et leur dit: 'Justes du monde, bien que les paroles de la Tora vous soient précieuses, vous n'avez pas bienfait d'avoir attendu ma Tora, sans avoir attendu mon royaume'. " (Psikta Rabbati 39). L'amour de la Tora, des commandements et de la spiritualité n'est pas suffisant : c'est sur terre qu'il faut instaurer le royaume d'Israël, car il n'est autre que le royaume de Dieu sur terre. La relation avec Dieu doit sortir du cadre individuel pour s'étendre à la vie de la collectivité, de la communauté, de la nation et du royaume. La Tora et nos Sages n'ont jamais dit : "Donnez à Dieu ce qui appartient à Dieu et à César ce qui appartient à César" ; ou bien encore "Le royaume de Dieu n'est pas sur terre" ! La spécificité du royaume divin selon la Tora vient du fait qu'il réside tant dans les cieux que sur terre, dans toutes les implications terrestres de la vie nationale. En fait, l'erreur des explorateurs est justement d'essence spirituelle, comme l'analyse le Rav Kook (Hevech Peer, I, 25). D'ailleurs cette faute n'est pas uniquement celle des explorateurs. "Les actes des ancêtres sont un signe pour leur descendance", comme le dit souvent Na'hmanide (Genèse, XII, 6). La faute des explorateurs laisse donc percevoir deux faiblesses de base: elle montre comment le peuple n'a pas su se détacher de ses attaches matérielles pour répondre à la parole divine. Elle prouve aussi que les Enfants d'Israël ont mal compris et mal interprété le sens de leur tâche et de leur mission tout au long des siècles. Lorsque nos ancêtres ont pleuré lors de cette nuit du Neuf Av, nos Sages ont déclaré que ces pleurs étaient vains et ont dit : "Vous avez pleuré en vain ! Eh bien, vous pleurerez un jour tout au long des générations !" (Taanit, 29 a). C'est en effet le neuvième jour du mois de Av, Ticha beAv que les explorateurs ont exposé leur récit et entraîné le peuple dans ce tourbillon de désespoir. Et plus tard, c'est bien à Ticha beav que les deux Temples successifs de Jérusalem ont été détruits. Cette faiblesse intérieure ne s'est donc révélée dans toute son ampleur que beaucoup plus tard. Dieu soit loué, cette faute bimillénaire a été surmontée au cours de notre génération : notre peuple répare aujourd'hui cette faille dûe au dédain de la précieuse terre que Dieu
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nous a confiée. Qui plus est, l'amour de la Terre d'Israël s'est éveillé au cours des dernières décennies. Le peuple juif n'afflue-t-il pas encore et toujours vers sa patrie pour la faire refleurir ? Et ne se consacre-t-il pas à nouveau à la construction de sa terre, de son Etat et de son armée ? *********************
MASSAE S'INSTALLER ET VIVRE EN ERETZ ISRAEL UNE MITZVA COMME TOUTES LES AUTRES? Nous avons l'immense privilège d'assister, au cours des dernières générations, au retour d'une partie du peuple d'Israël vers sa terre ancestrale. Depuis plus d'un siècle en effet, grâce à l'aide du ToutPuissant, nos frères ont pu faire refleurir le désert et reconstruire l'Etat hébreu.
Bien que les avis divergent en fonction des différents courants de pensée existant au sein du peuple juif, nombreux sont ceux qui considèrent cette reconstruction de la société et de l'Etat d'Israël comme une Mitzva à part entière et un devoir hautement religieux. En effet, la Tora nous enseigne : "Vous prendrez possession du pays et vous y habiterez car Je vous l'ai donné pour que vous en preniez possession" (Nombres, XXXIII, 53). Ce verset dissipe toute ambiguïté : il explique clairement que chaque juif a bel et bien l'obligation de résider en Eretz Israël.
Pour Na'hmanide, cela ne fait aucun doute. Il considère en effet cette obligation comme un commandement positif : "Dieu ordonne à Israël de s'établir dans le pays et d'en prendre possession. Car c'est à lui qu'il a été donné et il ne doit pas dédaigner la terre que lui assigne l'Eternel. Si, par contre, les Enfants d'Israël décidaient d'aller conquérir le pays de Chinéar, près de Babylone, ou bien l Assyrie, ils transgresseraient alors un commandement divin. "
Autrement dit, s'installer sur la Terre d'Israël est l'un des six cent treize commandements de la Tora. Et cette Mitzva n'a nullement comme objectif de créer une sorte d'Etat-refuge pour Juifs persécutés, mais bien parce que Dieu nous a ordonné d'habiter cette terre en tant que peuple, et parce que refuser le domaine terrestre que Dieu nous assigne ne constitue en aucun cas un principe du judaïsme.
L'homme ayant reçu pour impératif de vivre - "Et tu choisiras la vie" - celui qui se prive volontairement de cette vie transgresse la volonté de son Créateur. Il en est de même pour la terre sur laquelle nous sommes appelés à habiter. Ceux qui, délibérément, choisiraient de rejeter cet héritage en vivant à l'étranger enfreindraient alors un commandement divin.
Reprenons les versets 52 et 53 du chapitre XXXIII du Livre des Nombres: "Parle aux Enfants d'Israël en disant : quand vous aurez passé le Jourdain pour atteindre la terre
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de Canaan, vous chasserez de devant vous tous les habitants de ce pays, vous anéantirez leurs idoles et vous les déposséderez. Vous conquerrez le pays et vous vous y établirez car c'est à vous que Je donne ce pays en possession". A ce propos, il existe un débat fort complexe d'interprétation entre les deux commentateurs Rachi et Nahmanide. D'après Rachi, on doit lire : "Vous en chasserez les habitants", et alors seulement "vous vous y établirez". C'est donc impérativement après avoir chassé les habitants de Canaan que les Enfants d'Israël pourront s'installer sur la Terre promise et s'y maintenir. Au point de vue syntaxique, la différence entre nos deux auteurs est la suivante : selon Rachi, la phrase est composée d'une subordonnée exprimant la condition, puis d'une principale exprimant la conséquence : "si vous en chassez les habitants", alors "vous vous y établirez". Tandis que pour Na'hmanide, nous avons ici deux principes exposés en juxtaposition : "vous prendrez possession du pays" et "vous vous y établirez". La différence de sens qui résulte de ces divergences grammaticales est évidemment considérable. D'après Rachi, l'installation dans le pays est considérée comme une promesse conditionnelle faite par l'Eternel pour récompenser le peuple d'avoir accompli le commandement relatif à l'expulsion des habitants rebelles, tandis que pour Na'hmanide, il n'y a pas ici une promesse, mais bien l'énoncé d'un commandement positif : l'obligation de nous établir uniquement dans ce pays, de ne pas l'abandonner aux mains des étrangers et de ne point aller conquérir d'autres terres situées dans d'autres pays. Cela ne veut nullement dire que Rachi considère que la Tora n'énonce pas le commandement divin de s'installer en terre d'Israël, mais il estime tout simplement que ce n'est pas l'interprétation adéquate du texte en question. Pour lui, le contenu de ces versets constitue une véritable promesse et non un commandement. Ces deux termes ne sont d'ailleurs pas contradictoires : "Arriver en Israël" peut être à la fois une promesse et un devoir. Car toute promesse divine se concrétise à travers l'effort humain : qui plus est s'il n'y avait pas de promesse semblable laissant entrevoir une possible réussite dans cette tentative, il serait vain de s'y essayer. Mais, nantis de la promesse explicite de Dieu relative au retour du peuple d'Israël sur sa terre, nous sommes appelés à participer le plus activement possible à la concrétisation de cette promesse : ne devons-nous pas nous efforcer d'être les instruments du Maître de l'univers pour concrétiser cette fondamentale dimension du peuple juif?
Dans ses remarques critiques sur le Livre des Commandements de Maïmonide, Na'hmanide s'explique plus en détail sur ce sujet. Ce passage se trouve en fait dans l'annexe de cet ouvrage. Si effectivement Maïmonide n'a pas dénombré la Mitzva de s'installer en Israël dans le compte régulier des commandements positifs, il y a là, d'après Na'hmanide, une véritable omission qu'il considère comme impératif de réparer. Compte tenu de l'importance des enjeux de ce débat, nous préférons citer ici le texte in extenso des propos de Na'hmanide : "Nous avons reçu l'ordre de prendre possession du pays que le Très-Haut a donné à nos ancêtres Abraham, Isaac et Jacob et de ne
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pas le laisser à d'autres nations ou bien à l'abandon : 'Et vous les déposséderez et vous prendrez possession du pays, et vous y habiterez, car c'est à vous que J'ai donné le pays pour le posséder. Et vous vous partagerez le pays que J'ai promis à vos ancêtres' [Nombres, XXXIII, 53]. Pour ce commandement, Dieu fait l'exposé de toutes les frontières de ce pays comme il est dit : 'Partez, poursuivez votre marche et dirigez-vous vers les monts amorréens et toutes les contrées voisines, vers la plaine, le midi et sur le littoral [Deutéronome, I, 7]. C'est dire que le peuple ne devait pas laisser la terre inoccupée. Preuve en est, le commandement que Dieu a ordonné à propos des explorateurs : 'Monte et regarde, l'Eternel ton Dieu, t'a livré ce pays. Va, prends en possession comme te l'a dit l'Eternel. Ne crains pas et ne t'effraie point' [ibid. I, 21]. Et encore : 'Et quand l'Eternel vous envoya de Kadesh Barnéa en disant : Montez et possédez le pays que Je vous ai donné ; et comme le peuple n'avait pas consenti à monter suite à cette invitation, il est écrit : 'Vous avez contrarié la parole de l'Eternel et vous n'avez pas écouté Sa voix' [ibid.]. Il s'agit donc d'un commandement, et non d'une vocation, ni d'une promesse ! Et je dis quant à moi que séjourner en Eretz Israël est le commandement dont nos Sages font le plus grand cas au point d'affirmer : 'Quiconque sort [d'Eretz Israël] et séjourne à l'étranger mérite d'être considéré comme un idolâtre ainsi qu'il est écrit : 'Car ils m'ont empêché en me chassant de m'attacher à l'héritage de l'Eternel et m'ont dit: Va servir des dieux étrangers' [I Samuel, XXVI, 19 et Traité Ketoubot, 110 b]. Nous en déduisons qu'il nous a bien été ici enseigné un commandement positif : posséder le pays et y habiter. S'il en est ainsi, c'est un commandement positif permanent qui s'impose à chacun de nous, même en temps d'exil, comme l'explique le Talmud à diverses reprises. Dans le commentaire du Sifri, on raconte : 'Un jour, Rabbi Yéhouda Ben Betera, Rabbi Mattia Ben Herech, Rabbi Hanina, neveu de Rabbi Yéochoua, et Rabbi Nathan partirent à l'étranger. Arrivés à Platia, ils se souvinrent du pays d'Israël, levèrent les yeux, fondirent en larmes et déchirèrent leurs vêtements en récitant ce verset qui se rapporte aux peuples occupant la Terre d'Israël: 'Et tu leur succéderas et tu habiteras dans leur pays' Les quatre Sages retournèrent alors d'où ils étaient venus en disant : 'Habiter la Terre d'Israël vaut autant que tous les commandements de la Tora !" (Sifri, Ekev, XXIX).
S'il en est ainsi, pourquoi donc Maïmonide n'inclue-t-il pas cette Mitzva dans la liste des six cent treize commandements (la mentionnant toutefois dans son Code de Loi le Michné Tora), au point, nous l'avons vu, que Na'hmanide considère cela comme un oubli ? Il est évidemment hors de question de penser que Maïmonide a fait cette omission délibérément. Ce problème a été très longuement débattu par nos Sages et la réponse la plus évidente est la suivante : en fait, dans son Introduction au Livre des Commandements, Maïmonide fixe lui-même quatorze critères dont dépend la présence des mitsvot dans cette liste. Par exemple, l'un de ces critères exclut toutes les lois instaurées par les rabbins (Midérabanan) qui ne sont donc pas dénombrées dans les six cent treize commandements. De même, pour Maïmonide, seuls les commandements à caractère particulier étaient admis dans ce classement : par exemple, le commandement "Soyez saints" est d'ordre trop général car il englobe à lui seul trop de mitsvot. En conséquence, il ne l'inclut pas dans son décompte. Il en est de même pour la Mitzva d'habiter en Eretz Israël : c'est un commandement qui englobe à lui seul un grand nombre de prescriptions et qui constitue le fondement de toutes les mitsvot liées à la terre d'Israël ou bien se rapportant au roi d'Israël. Mieux encore : tous les commandements que nous avons accomplis en exil ne prennent leur véritable signification et leur valeur qu'en Israël même (v. Rachi et Ramban apud Devarim XI, 18). Le rapport des mitsvot entre Eretz Israël et la diaspora n'est pas seulement quantitatif, mais également qualitatif ! Pour Maïmonide, le commandement se rapportant à la terre d'Israël n'est pas une Mitzva particulière éclairant un aspect spécifique ou de détail de la vie quotidienne, mais un précepte d'ordre général. Evidemment Na'hmanide accepte ce principe : il a lui-même cité le Ski qui explique que le fait d'habiter en Eretz Israël a autant d'importance que les autres commandements de la Tora (Ramban ibid.). S'installer et résider en Eretz Israël constitue donc une Mitzva qui en transcende d'autres.
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