Alyah, une mitzvah ?(3)
- [Yashar-Ël: Φᵢ(K)∝A(t)]~>
- 13 janv. 2018
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Dernière mise à jour : 15 janv. 2018

KI TAVO L'IDYLLE ENTRE LE PEUPLE JUIF ET SA TERRE "Vehaya ki tavo et haaretz... ". Le Deutéronome (XXVI, 1-2) nous décrit au début de la section de cette semaine, la manière dont le peuple juif, de retour sur sa terre, doit se comporter lorsqu'il procède aux premières récoltes. "Or, lorsque tu seras arrivé dans le pays que l'Eternel, ton Dieu te donne en héritage, que tu t y seras établi, tu prendras des prémices de tous les fruits de la terre que tu auras récoltés du sol que l'Eternel ton Dieu te donne, tu les mettras dans une corbeille et tu te rendras à l'endroit que l'Eternel ton Dieu aura choisi pour y faire résider Son nom. "
Selon la tradition, le terme vehaya, qui est grammaticalement un passé transformé en futur par le vav conversif, est annonciateur de joie (introduction au Midrash Esther Rabba, alinéa 11). Le passé est un temps souvent empreint de tristesse. Il nous rappelle les malheurs et les pérégrinations qui ont émaillé l'histoire du peuple juif dont l'avenir reste au contraire ouvert et plein de possibilités. Le vav conversif peut transformer un passé en futur, il a l'immense pouvoir de changer la peine et la douleur en espoir positif. C'est pourquoi ce vehaya, premier mot de notre section exprime la joie liée à l'installation en Eretz Israël, considérée comme un événement des plus heureux. C'est l'interprétation que Rabbi 'Haïm Benattar nous donne dans son commentaire Or Ha'haïm sur la Tora. Quant au Maharal de Prague, il précise que la joie apparaît lorsqu'il y a rencontre entre deux réalités homogènes et par conséquent bonheur. Par exemple, l'homme qui mange éprouve un certain plaisir parce que la nourriture qu'il absorbe, remplace les éléments vitaux qui ont été consommés par son organisme et lui permet de se "recréer", de se régénérer. C'est pourquoi cette
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activité s'accompagne toujours d'un certain plaisir. Ce plaisir noble et naturel apparaît également lorsqu'il y a rencontre entre deux réalités homogènes intimement liées-C'est le cas pour le peuple juif et son lieu de résidence historique et éternel : la terre d'Israël. Il est vrai que la religion juive n'est pas forcément liée à un territoire donné : notre peuple a su surmonter, de manière miraculeuse, les obstacles qui ont surgi au cours de ses deux millénaires d'exil.
Il n'en reste pas moins que la terre qui lui convient parfaitement, celle qui lui sied le mieux est la terre d'Israël. La traversée de l'exil par le peuple juif constitue en fait une épreuve de survie ; ce n'est pas la vie normale à laquelle nous aspirons. En exil nous survivions, en Israël nous vivons. Rabbi Yéhouda Halévi l'explique au début du second volume de son Sefer HaKouzari : "Le peuple juif en exil serait comme un arbre planté dans le désert qui parvient tant bien que mal à surmonter son malheur existentiel. Par contre, en Eretz Israël, ce peuple ressemble à un arbre planté dans un verger jouissant des conditions optimales pour son développement. C'est un arbre qui donne des fruits riches. " Rabbi Yéhouda Halévi révèle qu'il en était déjà ainsi pour Abraham, père de la nation juive. Alors qu'il vivait encore en exil, Abraham parlait au nom de Dieu et frayait la voie à la lumière divine. Cependant, Dieu souligne dès cette période, que son action serait autrement plus importante si elle était menée en terre d'Israël. "Hors d'Eretz Israël", affirme le Maharal dans son livre Netsah Israël, "nous sommes dans un état maladif et pas dans notre état naturel" (ch. I). Il convient toutefois de préciser qu'il existe ici un facteur de réciprocité dont il ne faut pas négliger l'importance : sans le peuple juif, la terre d'Israël est, elle aussi, une terre malade, une terre de désolation et une abomination "Vos ennemis seront désolés sur cette terre (Lévitique XXVI, 32). Historiquement, de grandes civilisations se sont installées sur la terre d'Israël, depuis Napoléon et jusqu'aux empires ottoman et britannique. Mais jamais, au cours de ces multiples occupations, ce pays n'a véritablement fleuri et prospéré. "Le verset précité, cruel de prime abord pour les autres civilisations est, en fait, une bénédiction pour notre peuple, souligne Na'hmanide. Il nous prouve et nous confirme que, malgré l'exil prolongé et malgré les tentatives de conquête et de colonisation, la terre d'Israël n'a jamais accepté d'autre peuple que le peuple juif' (Na'hmanide, ibid., 16). Na'hmanide cite cet enseignement de nos Sages et apporte son propre témoignage : lors de son séjour en Eretz Israël, il découvrit dans quel état se trouvait le pays sous la férule des peuples ennemis. Ces constatations sont à rapprocher de l'expression populaire "Ligne verte" utilisée pour désigner la frontière d'avant la Guerre des Six Jours (5727) : cette démarcation visible sur le terrain sépare le territoire entre les mains d'Israël depuis la création de l'Etat qui a refleuri de celui qui, revenu plus tard au peuple juif, n'a pas encore fleuri. Là où le peuple juif revient la terre devient verte. Nous sommes donc nous-mêmes témoins de ce miracle : depuis qu'au siècle dernier, notre peuple a repris le chemin de Sion et décidé de retourner dans son pays, cette terre répond à nos attentes. Tandis que nous revenons vers elle, elle-même revient à nous et nous retrouve. L'un des Sages de la dernière génération a comparé Eretz Israël à une jeune fille aux yeux de laquelle il faut savoir trouver grâce. Le peuple juif sait de la
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même manière comment tirer de cette terre le meilleur parti. Ce thème du double retour - celui du peuple juif dans son pays et celui de la terre vers ses habitants légitimes - occupe une place centrale dans la perspective historique messianique. Un passage du Talmud énumère les "signes" annonçant la venue du Messie et de la fin des temps. Nos Sages nous recommandent de façon catégorique de ne pas rechercher ces indices avant que le moment ne soit venu : "Qu'explosent ceux qui calculent la fin des temps" (Traité talmudique Sanhédrin, 97 b). Pourtant, on trouve ensuite un enseignement d'exception. Rabbi Abba dit : "Il n y a pas de signe plus évident de l'époque messianique que : 'Et vous, montagnes d'Israël, donnez vos branches et portez vos fruits car le retour est proche"' (Yehézqel, XXXVII repris dans le traité Sanhédrin, 98 a). Pour Rabbi Abba, il n'y a pas de doute possible : ce refleurissement des montagnes d'Israël est le signe précurseur de la venue du Messie. Rachi précise : "Lorsque la terre d'Israël donnera ses fruits avec abondance". C'est là un signe clair que la colère divine qui depuis deux millénaires sépare le peuple juif de sa terre s'est éteinte. Le retour de notre peuple permet enfin à la terre de s'orner de toutes les parures naturelles qui étaient les siennes au temps de sa splendeur.
On raconte l'anecdote suivante : un jour, on vint annoncer au 'Hafets 'Haïm - l'une des sommités spirituelles de la génération précédente - la création des premières colonies juives en Eretz Israël. Le Rav se tourna alors vers son fils et lui dit : "Tu vois ça commence !", sous-entendu l'époque que nous attendons depuis si longtemps est en train de débuter.
Lorsque le texte de notre section parle des fruits que donne la terre, nous devons comprendre qu'il ne s'agit pas là d'un simple événement agricole mais d'une véritable réconciliation entre la terre d'Israël et son peuple, expression de la volonté divine. La Tora nous fait savoir que lorsque nous vivons en Israël, nous devons prendre les prémices de tous les produits de la terre et les apporter au Temple de Jérusalem, en hommage au Seigneur. Mais, qui plus est, il faut prononcer un long discours qui insère ces fruits dans leur contexte historique particulier : "Tu viendras chez le prêtre qui sera alors en fonction et tu lui diras : 'Je déclare en ce jour, à l'Eternel mon Dieu que je suis arrivé dans le pays que le Seigneur a promis à nos pères de nous donner'. Et le prêtre prendra le panier de ta main et le déposera devant l'autel de l'Eternel ton Dieu. A haute voix, tu reprendras la parole et tu diras devant l'Eternel ton Dieu : 'Un araméen (Laban) voulait faire périr mon père. Celui-ci est descendu en Egypte, il y séjourna en petit nombre et devint làbas une nation grande, puissante et nombreuse. Et les Egyptiens nous maltraitèrent, nous firent souffrir, nous imposèrent un dur servage. Nous avons crié vers l'Eternel, Dieu de nos pères. Le Seigneur entendit notre voix et vit notre misère, notre peine, notre oppression. Et le Seigneur nous fit sortir d'Egypte, d'une main forte et d'un bras tendu, par une grande terreur, des signes et des prodiges. Et Il nous conduisit à cet endroit et nous donna cette terre où coulent le lait et le miel. Et maintenant, voici que j'apporte les prémices de la terre que Tu m'as donné, Seigneur.' Tu les déposeras devant le Seigneur ton Dieu et tu te prosterneras devant le Seigneur ton Dieu, et tu te réjouiras de tous les biens que le Seigneur ton Dieu t'aura donnés, à
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toi et à ta maison à toi le Lévite et l'étranger qui sera auprès de toi" (Deutéronome XXVI, 3-12).
Ces humbles fruits doivent être replacés dans un contexte historique. Ils sont la preuve agricole et tangible du retour du peuple juif sur sa terre. Plus tard, lorsque l'agriculture cesse d'être "romantique" et devient une activité planifiée, lorsqu'il ne s'agit plus d'un fruit isolé mais d'une grande quantité de produits agricoles, un second commandement intervient : il s'agit de la dîme, ou Maasser. Lorsque nous obtenons une récolte digne de ce nom, il convient de la répartir de manière honorable et d'organiser le marché de façon juste et honnête. Nous ne devons pas oublier qu'il existe, au sein du peuple juif, des maîtres et des éducateurs, comme les membres de la tribu de Lévi, qui se consacrent à des activités spirituelles et ne peuvent donc oeuvrer dans le secteur agricole pour subvenir à leurs propres besoins. Il est normal par conséquent, de leur octroyer une partie de la récolte sous forme de Terouma (prélèvement destiné exclusivement aux prêtres) et de Maasser Rishon ou première dîme. Nous ne devons pas oublier non plus les personnes nécessiteuses qui bénéficieront du Maasser Ani ou dîme des pauvres. Nous célébrons aussi notre réussite économique et agricole dans notre capitale, Jérusalem, au Temple, coeur de la nation où nous offrons le Maasser Sheni, la seconde dîme, que nous mangerons en état de pureté et de sainteté (Deutéronome XXVI, 12-14). Le texte que nous prononçons à cette occasion traduit bien la signification de tous ces gestes : "De Ta demeure sainte contemple Ton peuple saint Israël et la terre que Tu nous as donnée comme Tu l'avais juré à nos pères, une terre où coulent le lait et le miel" (ibid., 15). Le don de la terre n'est pas uniquement une donnée agricole, c'est aussi une "bague de fiançailles" entre la nation et la terre sous l'égide de "notre Père qui est aux cieux ". ***********************
LIVRE: LE MESSIANISME D’ISRAEL
L'idéal est évidemment l'authentique royauté de David. Mais temporairement, nous devons nous contenter d'une autre royauté. L'essentiel est que la direction politique de la nation soit entre nos mains,' que nous soyons souverains sur notre Terre. Le deuxième commandement qui nous est imposé dès notre entrée sur la Terre, c'est la guerre avec Amalek. Amalek, c'est l'antithèse absolue d'Israël au niveau cosmologique. Mais comme il a été rappelé précédemment, il nous est impossible actuellement de l'identifier. En tout état de cause, nous devons nous défendre contre les nations agressives qui nous entourent. La guerre n'est évidemment ni souhaitable ni agréable, mais les contraintes de la réalité, inhérentes à l'existence d'un royaume nous l'imposent. Le titre donné par Maïmonide au chapitre de ses "Lois royales" est significatif: "Commandements concernant les rois et leurs guerres". Il y a certes différentes sortes de guerres et Maïmonide précise: "A priori, le roi ne peut entreprendre qu'une "milkhémet Mitzva", une guerre considérée comme un commandement de la Torah, c'est-àdire: la guerre contre les sept peuples, la guerre contre Amalek, et une
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guerre de défense contre un ennemi qui attaque Israël". (Maimonide, Lois Royales, 5,1)
6. GUERRE DEFENSIVE ET GUERRE D'INDEPENDANCE Question: Les guerres menées par l'Etat d'Israël depuis sa création sont-elles considérées comme un commandement de la Torah ?
Réponse: Absolument ! Elles le sont à double titre: - Selon l'enseignement de Ramban, Nahmanide (Maïmonide, Lois Royales, 5, 1) il nous incombe de prendre possession de la Terre d'Israël, c'est-à-dire de mener une guerre d'indépendance et cet enseignement a été accepté par tous les décisionnaires (Pitkhé techouva. Choulkhan Aroukh, Even Haézer. 75, 6.). Le Ramban est considéré comme occupant le deuxième rang après Maïmonide. On l'appelle couramment "le père d'Israël". Cet éminent Sage insiste sur le fait que la Torah nous ordonne de prendre possession de l'ensemble de la Terre d'Israël: toute la Terre en ses frontières promises par l'Eternel à nos ancêtres doit se trouver sous notre domination et il nous est interdit de l'abandonner à une autre nation. Lorsqu'une terre se trouve sous la souveraineté d'une nation et est propriété de cette nation, on la désigne par le concept moderne d'Etat. Il existe donc un commandement de la Torah qui nous prescrit d'avoir un Etat. Et s'il est nécessaire pour assurer cette souveraineté de mener une guerre, il nous est imposé de la faire; c'est là l'un des six cent treize commandements de la Torah. - D'un autre point de vue, c'est encore une guerre imposée par la Torah, selon la définition de Maïmonide "défendre Israël contre l'ennemi". Même si nous n'avions pas de problèmes politiques spécifiques liés à la Terre d'Israël, nous aurions encore le devoir de partir en guerre pour défendre le peuple d'Israël contre ses ennemis, et ce, même à l'extérieur de nos frontières. C'est là la définition d'une guerre de défense. Le nom donné à notre armée "Tsahal", initiales de mots signifiant "armée de défense d'Israël" est parfaitement adapté. Nous ne partons pas en guerre contre un peuple sans raison, mais nous entendons bien nous défendre.
10. LES "TROIS SERMENTS" Les Anglais avaient obtenu une domination provisoire sur cette Terre avec pour mandat de nous préparer à en recevoir la souveraineté. Les nations du monde avaient de la sorte reconnu nos droits sur ce Pays, mais elles avaient décidé qu'entre temps, une autre nation devait nous apporter son aide. Les Anglais demeuraient donc ici pour assurer nos droits. Mais ils oublièrent ensuite leur rôle et entendirent en être les maîtres. Dans le Talmud, sont mentionnés trois serments et, entre autres qu'"Israël ne doit pas se révolter contre les nationsi (Ketoubot 111 a). Or, il n'y eut ici aucune révolte, alors que la domination des Anglais n'était pas légale, du fait qu'ils avaient trahi leur mission.
Question: Certains milieux s'opposent â l'Alyah en Israël et justifient leur position en se fondant sur ces "trois serments".
Réponse: Ce sont des mensonges énoncés au nom de la Torah, des paroles
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insensées.
1°) "Qu'ils ne se révoltent pas contre les nations". II n'y eut ici ni révolte, ni révolution, puisque nous sommes installés ici avec l'autorisation des nations. 2°) "Qu'ils ne cherchent pas à brusquer la fin". Ce n'est pas nous qui brusquons la fin, c'est la fin qui nous brusque ! "Le maître de maison nous pousse" ("Baal Ha-bait dokhek", Avot, 2, 20). Il n'est d'ailleurs pas écrit dans le Talmud "qu'ils ne brusquent pas" mais au contraire "qu'ils ne repoussent pas la fin" "par leur faute" comme l'explique Rachi. Ce n'est qu'en deuxième version possible du texte que Rachi ajoute "qu'ils ne brusquent pas" - c'est-à-dire qu'ils ne multiplient pas leurs supplications de façon exagérée". Nous n'avons pas à être importuns et à répéter "sauve-nous, sauve-nous". Ce passage concerne le désir de précipiter la fin par des moyens spirituels et non la construction du pays. 3°) "Qu'ils ne montent pas comme une muraille" ("Chelo Yaalou Kekhoma"). Cette expression imagée de la muraille désigne "la cloison de fer qui sépare Israël de leur Père des Cieux" (Pessakhim 85 b, Sota 38 b), c'est-à-dire la réalité de l'exil et tous les obstacles qui s'opposent à l'Alyah en Eretz Israël.
Cette muraille, c'est la domination des nations. Et c'est Dieu lui-même qui l'a élevée. Mais "la bouche qui a émis l'interdiction peut aussi énoncer la permission (Demai 6, 7). Dieu qui avait élevé la muraille l'a abattue. Aujourd'hui, il n'y a plus de muraille. La déclaration Balfour n'est pas le fruit du hasard. C'est le Maître du monde et de l'histoire qui l'a fait apparaître. La situation est semblable à celle d'une personne qui aurait fait le serment de ne pas entrer dans une maison. Si la maison s'est écroulée, elle n'a pas besoin d'être dégagée de son serment . (Maïmonide, Nedarim, 8, 2. 38. Lévitique, 25,8. 39. Moed Katan 2 b. 40. Lévitique 25,10)
"Plusieurs versets d'Yehézqel, dans les chapitres 36 et 37, expriment d'une manière presqu'aussi explicite le fait que la délivrance finale ne dépend ni de la repentance ni des bonnes actions, et qu'elle est assurée de s'accomplir de toute façon". Yehézqel décrit la profanation du Nom, terrible et redoutable, qu'entraîne la situation même de l'exil: "Ils arrivèrent chez les peuples où ils furent exilés, et ils profanèrent mon Nom saint, par le fait qu'on disait d'eux: ces gens sont le peuple de l'Eternel, et c'est de Son pays qu'ils sont sortis" (Yehézqel 36, 2) Les peuples savent qu'il existe dans le monde un peuple de l'Eternel, et une Terre de l'Eternel. Si donc le peuple de l'Eternel sort de la Terre de l'Eternel, c'est une situation anormale qui constitue la profanation du Nom divin. C'est pourquoi Dieu sanctifie son Nom par le rassemblement des exilés." Je sanctifierai mon grand Nom... Je vous prendrai d'entre les nations, Je vous rassemblerai de tous les pays, et Je vous ramènerai sur votre sol (Yehézqel 36, 23 et 24) Nous retournons vers notre foyer sur la Terre d'Israël, pour y retrouver notre santé. "L'air de ton pays est la vie de nos âmes” (Rabbi Yehouda Halevy, Poemes). C'est alors que nous subissons un traitement exceptionnel: "Je jetterai sur vous des eaux pures, afin de vous purifier..."' (Yehézqel, 36, 25.) Aspersion de purification. Ensuite, deuxième
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phase du traitement: "Je vous donnerai un coeur nouveau et je vous inspirerai un esprit nouveau" ( ibid. 26) Il semble qu'il soit question de "khazarah betechouva", retour à la religion; mais les commandements ne sont point mentionnés. Ce n'est que par la suite qu'il est dit: "je ferai en sorte que vous suiviez es lois, que vous observiez et pratiquiez mes commandements" (ibid. 27)
30. LE DEUXIEME RETOUR A SION
il faut s'habituer à penser que le monde n'est pas le produit du hasard, et que nous y rencontrons le Maître du monde. Quand le peuple d'Israël se trouve dans une situation saine, apparaît la réalité de la prophétie, qui exprime la vocation particulière d'Israël. Alors se découvrent des hommes, sains de corps et d'esprit, emplis de droiture et de sagesse, qui ont le contact avec la source dont découle toute la conduite du monde - mais pas comme ces pseudo-scientifiques dont la compréhension étriquée se réduit à la matérialité de la Création. Les prophètes voient à distance, dans l'espace et dans le temps. Le prophète Isaïe fit savoir que l'exil de Babylone ne durerait que le temps d'une génération, soixante-dix ans (Isaïe 23, 15) et d'autres prophètes (Jérémie 25, 11, Daniel 9, 2; Zacharie 1, 12) prophétisèrent de même. Et en effet, le royaume de Babylone s'effondra, la royauté de Perse prit sa place, et Cyrus publia sa fameuse déclaration (Ezra 1, 2), très semblable à la déclaration Balfour, autorisant les Juifs à revenir en leur patrie. Son édit provoqua un regain d'espoir dans le peuple, ainsi qu'un nouvel éveil de la prophétie. Les trois prophètes étaient alors: Haggaï, Zacharie et Malachie. Les Sages nous font savoir que Malachie n'est autre qu'Ezra (Meguila 15, a). La situation du peuple en Israël n'était guère brillante et cependant la prophétie se manifesta abondamment, bien que sous une forme diluée (Yoma 9 b). Le Temple reconstruit n'avait pas la splendeur du Temple de Salomon. On venait pourtant le voir de tous les coins du pays. Mais aux yeux des anciens et des vieillards qui se souvenaient encore du Temple de Salomon, il apparaissait misérable. Ils pleuraient (Ezra 3, 12) et exprimaient leur déception: est-ce là un Temple ! C'est sur ce point qu'a porté la réprimande prophétique (Zacharie 4, 10) "Qui méprise les humbles commencements !" Vous êtes sans foi ! Ezra appelait le peuple à monter et beaucoup ne voulurent point entendre, comme de nos jours. Des justes et des Sages émettaient des critiques à l'encontre de Dieu au lieu de manifester leur foi !
31. CYRUS LE MESSIE C'est par une vision capable de franchir les limites du temps que le prophète Isaïe connaissait ces données plusieurs générations à l'avance. Ses propos débutent ainsi: "Ainsi parle l'Eternel à son Messie, à Cyrus" (Isaie, 45) De façon tout à fait extraordinaire et inattendue, Cyrus est appelé Messie ! Il faut comprendre de cette expression qu'il était porteur d'une étincelle messianique. Tant le courage de Cyrus que sa réussite ont une origine divine. "Je l'ai pris par la main pour mettre les nations à ses pieds et délier les ceintures des
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rois” (Isaie, 45). A cette époque, régnait encore dans le monde la croyance dualiste en deux souverainetés divines. Croyance absurde: Dieu est la source unique de tout. Dieu est un. "Je suis l'Eternel et il n'y en aura point d'autre; hors de moi, point de Dieu ! Je te ceins de force, bien que tu ne me connaisses pas; afin qu'on sache, là où se lève le soleil et là où il se couche, qu'hors de moi il n'y a rien, que je suis l'Eternel et nul autre; je forme la lumière et je crée les ténèbres, j'établis la paix, et je crée le mal; moi l'Eternel, je fais tout celà" (Isaie, 45) La direction des cieux et de la terre et de tout l'univers "moi l'Eternel, je fais tout cela". Aussi, "malheur à celui qui entre en lutte avec son Créateur !" (Isaie, 45). Quels sont ces gens qui se querellent avec leur Créateur ? C'étaient des Sages - et ils existent encore - des "justes sans foi", "qui méprisent" les humbles commencements": "Quelle est la cause du mépris qu'on manifestera envers la table des justes à l'avenir ? La médiocrité qui était en eux du fait qu'ils n'ont pas eu foi dans le Saint-béni soit-il" (Sota 48b) Ils se plaignaient: "Comment ! c'est ainsi qu'on va construire le Temple ? C'est là le déroulement de la délivrance ?" Malheur à celui qui controverse avec son Créateur. Quelle impertinence de se disputer avec le Maître du Monde et la conduite providentielle de l'histoire ! "L'argile dira-t-elle au potier qui la pétrit: que fais-tu? Ton oeuvre est imparfaite ! Malheur à celui qui dit à son père: pourquoi engendres-tu ? à la femme: pourquoi es-tu en travail d'enfants ?" "Ainsi parle l'Eternel, le Saint d'Israël, son Créateur: vous exigez de moi des signes sur mes enfants, et pour l'oeuvre de mes mains vous me donneriez des recommandations !" "C'est moi qui ai fait la terre et créé les hommes qui la peuplent; c'est moi dont les mains ont déployé les cieux, moi qui ai ordonné toute leur armée". Etiez-vous alors présent pour exprimer des critiques et donner des conseils ? "C'est moi qui l'ai suscité (Cyrus) selon la justice, j'aplanirai toutes ses voies; il rebâtira ma ville, renverra libres mes exilés..," (Isaie, 45) que cela vous plaise ou non !
32. AVEUGLES, OUVREZ VOS YEUX De nos jours également, le Maître du monde opère de grandes révolutions et fait descendre les rois de leurs trônes. Il renverse la Turquie qui avait régné quatre cents ans sur la Terre d'Israël, au moment où d'autres peuples sont venus la dominer sous l'égide de la Société des nations. Tout cela est-il le fait du hasard ? d'un désordre anarchique ? C'est Dieu incognito ! Ouvrez vos yeux et voyez ! Nous ne sommes pas des Caraïtes, Dieu soit loué, nous nous fions au Talmud qui fixe "le signe évident de la fin". Il faut avoir des oreilles et des yeux pour discerner ce qui s'est passé pendant les cinquante dernières années. Le prophète Isaïe interpelle: "Sourds, écoutez; aveugles, ouvrez les yeux et voyez ! Qui est aveugle, sinon mon serviteur, sourd sinon le messager que j'envoie Qui est aveugle comme le favori du Seigneur, aveugle comme le serviteur de l'Eternel ?" (Isaie 42, 18 et 19) Les "Talmidé Hakhamim" (Sages) qui sont appelés ici serviteurs de l'Eternel sont aveugles ! Quel drame douloureux ! Eux qui devraient être les anges du service, les envoyés de Dieu, ils sont sourds ! Et il y a tellement de choses à voir et à entendre !
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Réfléchis et entends, alors tu verras Dieu incognito. "Tu as vu de grandes choses et tu n'as pas fait attention; tu avais les oreilles ouvertes, et tu n'as pas entendu" (Isaie 42, 20) **********************
LIVRE: HAFTAROT Rav Chlomo Aviner
Roch Hachanah Un rabbin, qui était monté d'Amérique en Israël, vint rendre visite au Rav Kook et se plaignit amèrement de la situation religieuse régnant alors dans le pays. Le bas niveau spirituel de la population lui causait un tel désarroi qu'il envisageait sérieusement la possibilité de retourner en exil. Le Rav Kook lui dit alors : "Vous vous rappelez sûrement des études sacrées de votre enfance et du Livre de Chemouel, relatant le pèlerinage annuel d'Elqana. Mais la fin de ce verset : 'à Chilo, où 'Hofni et Pin'has servaient comme prêtres du Seigneur, semble hors sujet. En quoi cette information se rapporte-t-elle au contexte général ? Or nos Sages nous enseignent qu'Elqana ne se contentait pas de se rendre lui-même à Chilo, mais qu'il s'efforçait d'entraîner d'autres frères hébreux et de les faire participer à l'accomplissement de ce commandement. Il éduquait à sa façon le peuple juif à monter à Chilo. Chaque année, il choisissait un autre itinéraire afin d'engager de nouvelles personnes dans son sillage (cf Rachi). Cet état de fait n'est pas moins étonnant : comment une Mitzvah mentionnée dans la Torah à plusieurs reprises a été délaissée à tel point qu'il fallut un Juste comme Elqana pour qu'elle reprenne sa place dans les coeurs et dans les habitudes ?" Le Rav Kook lui donna alors une réponse dans le style particulier des talmudistes : "La première question fournit elle-même la réponse à la seconde. C'est-à-dire que les prêtres 'Hofni et Pin'has étaient en fait des débauchés qui exploitaient leur haute fonction pour avoir des relations interdites avec les femmes qui venaient au Temple du Seigneur (I chemouel, II 22), ce qui leur valut plus tard une punition d'une gravité sans pareille (Ibid III. 11-14). En fait, c'est cela même qui dissuadait les Hébreux de monter à Chilo, car les gens disaient : 'Si dans un lieu saint nous trouvons de tels prêtres, mieux vaut ne pas monter du tout pour ne pas voir de telles horreurs et ne pas se trouver face à de telles abominations.' Or Elqana réussissait à convaincre la population découragée que, malgré la présence de ces deux pécheurs dans le Temple, il ne fallait pas esquiver le commandement du Seigneur. Au contraire, il fallait monter en pèlerinage et s'efforcer de rétablir la pureté du lieu. C'est grâce à cette initiative si vitale qu'Elqana mérita d'avoir un fils tel que Chemouel. " Le Rav Kook conclut ensuite : "Il en est de même pour la sainteté d'Eretz Israël. La présence de pécheurs ne doit pas faire obstacle à notre Aliya. A plus forte raison, il est hors de question de quitter le pays ! Chaque juif religieux qui y réside ajoute de la sainteté, et par ce mérite il aura des enfants qui lui feront honneur.',.; ***************
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Min'ha de Yom Kipour le prophète Yona refusa l'injonction divine d'exhorter au repentir les habitants de Ninevé et "se leva pour partir à Tarsis, hors de la présence du Seigneur. "(Yona I, 3). La première question qui vient à l'esprit, est de se demander pourquoi ce refus frontal de la part d'un serviteur du Seigneur ? De plus, un homme de cette envergure, un Prophète du Seigneur, peut-il croire véritablement échapper au Maître du monde en se réfugiant sur un autre point du globe terrestre ? Nest-il pas évident pour lui que le Seigneur remplit l'univers de Sa présence ? Rabi David Qim'hi, l'un des grands commentateurs de la Torah, de s'étonner : "Comment le prophète, rempli de science, pensait-il fuir le Seigneur ?" Et de répondre : "Yona espérait ainsi échapper à l'inspiration prophétique qui ne repose qu'en Terre d'Israël. " En effet, la sainteté d’Eretz-Israël, constitue une condition sine qua non de la démarche prophétique. Mais s'il en est ainsi, comment Yé'hezkiel a-t-il pu prophétiser à Babylone ? Nos Sages expliquent : Il transmettait uniquement la prophétie qu'il avait reçue précédemment en Terre d'Israël. ***************
Sim'hath Torah Il n'y a eu qu'un seul Yéhochoua' En nous faisant entrer de plain-pied dans le premier chapitre du Livre de Yéhochoua', la Haftarah de Sim'hath-Torah nous présente naturellement le continuateur de l'immense œuvre de notre maître Moché. Or, comme on le sait, le courant de l'exégèse critique biblique prétend qu'il y aurait eu au moins de prophètes Yécha'yahou. Cette confusion est due essentiellement à la richesse de sa personnalité que ses détracteurs s'emploient à ne pas vouloir reconnaître dans toute son envergure.
Dans la même lancée, du fait de l'extrême richesse de la personnalité du successeur de notre maître Moché, ils auraient pu arguer que deux personnages de Yéhochoua' auraient existé: l’un serait le Sage et le prophète versé dans la Torah, celui à propos duquel il est écrit : 'Moché reçut la Torah à l'événement du Sinaï et l’a transmise à Yéhochoua' " (Avot 1, 1), et le second serait le conquérant, le général en chef, voire le colonisateur de la terre de nos ancêtres, si l'on peut s'exprimer ainsi. Le mot colonisateur est bien mal seyant en ce qui concerne notre terre et il faudrait employer le mot métropolisateur. En effet, coloniser sous-entend une métropole principale d'où viennent les colons et une colonie secondaire où ils s'installent. Alors que pour Eretz Israël, il s'agit bien de la métropole sans équivoque des hébreux sans qu'il y ait une quelconque colonisation de leur part, - et nous sommes tout simplement de retour sur notre terre. Donc, de nos jours les juifs se rassemblent de nouveau sur leur terre ancestrale et la conquérissent à ceux qui l'ont usurpée. Au risque de paraître anachronique et quelque peu dichotomique, nous pourrions ainsi imaginer d'une part un Yéhochoua' avec une Iongue barbe blanche, aux traits doux et pacifiques, vêtu de sa longue cape rabbinique, et d'autre part, un Yéhochoua' habillé en commando militaire, fusil mitrailleur sur l'épaule, accusant des traits volontaires taillés au couteau. Ce second Yéhochoua' serait le même qui, bien plus tard, aurait troqué sa
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tenue de soldat contre celle d'un agriculteur au chapeau de paille à larges bords, et aurait échangé son fusil contre une bêche, ou, de nos jours, pour une moissonneusebatteuse.
Mais en fait, il est évident qu'un seul et unique Yéhochoua' a existé. Chacun l'imaginera à sa façon. C'est peut-être pour cela que la Bible n'a pas été accompagnée de portraits à l'huile ou de dessins crayonnés de ses héros. En fait, la double personnalité de Yéhochoua' n'est pas étonnante. En effet, en tant que fidèle disciple de Moché, il respectait la Torah dans toute son intégralité. Or la Torah nous enjoint de nous consacrer à l'étude, à la moralité et à la sainteté, afin de constituer le royaume de Dieu, évidemment sur terre et non seulement dans les cieux, et même si cela est nécessaire de mener pour ce faire une guerre d'Indépendance manu militari. Cette même Torah nous ordonne aussi formellement de nous installer sur la Terre d'Israël, de la défricher et de la posséder. S'il en est ainsi, pourquoi s'étonner de l'apparente double personnalité de Yéhochoua', qui en fait représente la stature idéale de tout disciple de Moché, digne de ce nom ? II est bien évident qu'une personnalité de cette envergure ne peut être monotone et uniforme mais posséder les différentes qualités qui font la perfection de la Bible. Moché avait ordonné : "Allez et prenez possession de la Terre" (Dévarim I, 8) ! C'est pourquoi l'authentique fidèle disciple "qui ne bougeait jamais de sa tente d'études" (Chémoth 32, 11) n'était pas un morne personnage empoussiéré, enfermé dans sa tour d'ivoire, mais devenait naturellement, au besoin, le chef suprême des armées pour mener haut et fort la cause de Dieu. La construction d'Eretz-Israël ainsi que l'organisation de ses forces de défense ne sont que la continuation directe du Sinaï. Evidemment, cet enseignement qui associe l'étude de la Torah aux réalités terrestres, militaires et agricoles, n'est pas de l'archéologie nostalgique et romantique, versée dans un passé définitivement révolu, mais il se tourne résolument vers l'avenir. Nos Sages nous fournissent une information étonnante : il a existé beaucoup plus de prophètes que ceux cités dans la Bible, mais leurs enseignements n'ont pas été consignés, n'ayant aucun impact sur l'avenir (Talmud Méguila 14a). La Bible n'a pas été mise par écrit dans le but de nous renseigner sur le passé, mais bien pour nous éclairer l'avenir. Nous en déduisons que les vérités sublimes et éternelles du judaïsme, les lumières célestes de la Torah, les absolus du firmament, doivent trouver leur concrétisation sur la Terre d'Israël, dans un royaume terrestre en adéquation, l'établissement d'un Etat, à travers l'agriculture et l'industrie humaines, et tant que cela sera nécessaire pour défendre notre peuple et notre pays, dans le service militaire. Réciproquement, le pionnier amoureux de son Etat renaissant devra puiser dans les sources profondes de la spiritualité juive et devenir un homme de foi et de vertu. Il n'y a là aucune dualité. C'est de la Torah elle-même qui nous recevons notre force spirituelle, nationale et, si besoin est, militaire. Dieu recommande à Yéhochoua' en début de carrière: "Sois ferme et valeureux, car c'est toi qui va mettre ce peuple en possession du pays que J'ai promis à ses ancêtres de lui donner. " (Yéhochoua' I, 6). Et c'est de la Torah que le disciple de Moché puisera la force dont il aura besoin pour accomplir une oeuvre aussi gigantesque et périlleuse : "Oui, je te le recommande, sois
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fort et résolu, sans peur et sans faiblesse, car le Seigneur ton Dieu est avec toi, dans toutes tes voies. " (9). 'Mais sois ferme et bien résolu, en t'appliquant à agir conformément à toute la Torah que t'a transmise mon serviteur Moché. Ne t'en écarte ni à droite, ni à gauche, pour que tu réussisses dans toutes tes voies. ". ***************
Béréchith La cécité religieuse
Dans notre Haftarah, le prophète Yécha'yahou s'indigne: "Vous qui êtes sourds, entendez ¡ Aveugles, ouvrez les yeux et voyez. " (Yéchayahou 42, 18)
Il y a tant de choses à voir, tant de miracles que Dieu fait pour son peuple ! Ainsi convient-il d'ouvrir les yeux, afin de voir dans la création de l'Etat d'Israël l'accomplissement naturel des prophéties messianiques. II ne s'agit pas de pseudoprophéties ou de prophéties rétroactives comme le prétendent les tenants de la critique biblique, mais bel et bien des promesses de Yécha'yahou qui se réalisent devant nos yeux éveillés. "Voilà que les prophéties anciennes sont accomplies. J'annonce des événements nouveaux, et avant qu'ils éclosent, Je vous les fais connaître. " (9). Malheureusement, il existe des aveugles invétérés qui, tout en connaissant parfaitement les prophéties, refusent cependant de prendre acte de la réalité visiblement éclatante. Qui sont donc ces aveugles ? "Qui est aveugle, sinon Mon serviteur, sourd, sinon le messager que J'envoie ? Qui est aveugle, sinon l'homme parfait, et aveugle comme le serviteur du Seigneur. " (19). Etre serviteur du Seigneur, 'éved haChem, n'est-ce pourtant pas l'une des plus hautes qualifications ? En effet, accéder au rang de serviteur et de messager du Seigneur, suppose la perfection et exige de posséder des qualités supérieures, les vertus de dévouement et de piété, de pudeur et de sainteté. Cela implique une pratique du Chabath, de la cacheroute et des autres Mitsvot avec un amour sans borne, dans leurs plus infimes alinéas. Une telle personne est prête au sacrifice de sa personne pour la Torah. Elle attire notre respect et notre admiration. Malheureusement, en dépit de sa perfection presque absolue, notre grand juste religieux et même ultra-orthodoxe peut être atteint de cécité historique. Il peut passer au travers des grands bouleversements vécus par le peuple juif, sans même s'en rendre compte. "Tu as vu de grandes choses et tu n'as pas fait attention, tu avais les oreilles ouvertes sans rien entendre. " (20).
En effet, le jour est enfin venu où "Dieu a voulu faire triompher la justice" en faveur de son peuple Israël (21). Ce peuple innocent qui pendant les siècles d'exil, a subi les pires oppressions, les pogroms, les expulsions en tous genres, les spoliations, les vols et les viols, la terrible misère et la Shoah, est à présent libre. "Un peuple pillé et dépouillé : tous, on les a confinés dans des fosses et relégués dans des cachots ; on les a spoliés et nul n'a dit : 'Rendez-lui' " (22). Oui, vous avez bien lu : ce n'est pas une description
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de l'Inquisition ou de la Shoah, mais des prédictions prononcées par notre prophète Yécha'yahou. Mais maintenant, la face des choses a bien changé. C'est donc à tort que certaines personnes, qu'elles soient religieuses ou non, se déclarent profondément inquiètes pour l'avenir de notre Etat. " Israël ne crains rien, car Je t'ai libéré. Je t'ai appelé par ton nom, tu es à Moi. " (Yéchayahou 43, 1). Tsahal, ton Armée de Défense d'Israël, tiendra bon : "Quand tu passeras par les eaux, Je serai avec toi... Quand tu marcheras à travers le feu, tu ne seras pas brûlé" (2). "Ne crains point, Je suis avec toi. " (5). Navons-nous pas de preuves suffisantes à l'appui pour que nous soyons enfin définitivement convaincus que Dieu a décidé de nous sauver ? "Du levant, Je ramènerai tes enfants. " : il s'agit des communautés juives Séfarades. "Et du couchant Je te rassemblerai." ce sont les Achkénazes. "Je dirai au Nord: donne" ! : ceci s'applique aux Juifs de Russie. "Et au Téman (le sud), ne les retiens pas" ! il s'agit évidemment des juifs du Yémen. "Ramène des pays lointains mes fils et des confins de la terre mes filles " (5.6) : peut-être s'agit-il des juifs d'Ethiopie ou d'autres tribus retrouvées.
Quelle désolation que tant de Juifs s'obstinent en quelque sorte à ne pas voir cette extraordinaire série de miracles. "Laissez sortir ce peuple qui était aveugle, quoiqu'il eût des yeux, et sourd quoiqu'il eût des oreilles. " ! (8). Mais ne désespérons pas : "Alors s'ouvriront les yeux des aveugles et les oreilles des sourds seront débouchées " (35, 5). "Vous êtes Mes témoins, dit le Seigneur." (43, 10). C'est bien à cela que chacun de nous est aujourd'hui appelé : être le témoin actif de son histoire. ***************
Hanouqah Non pas par la force! "Ni par la puissance, ni par la force, mais bien par mon esprit, dit le Seigneur des armées" (zé'haria 4, 6)...
Notre grand codificateur des lois militaires, Maïmonide, insiste sur le fait que le soldat d'Israël doit combattre en étant animé par sa en Dieu (Lois royales VII, in fine). Le Rav Tsvi Yéhouda Hacohen Kook ne perdait j l'occasion d'assister au grand défilé militaire de Yom Ha'atsmaout, Jour de l'Indépendance, et chaque fois qu'un tank, une arme ou unité passait devant lui, il prononçait le verset des Téhilim : "Que uns se fient aux chars, les autres aux chevaux, quant à nous, nous réclamons du Nom du Seigneur, notre Dieu" (Téhilim XX, 8), ajoutait sur-le-champ, reprenant le début du verset : 'par les chars les chevaux. " Notre soutien est Dieu, mais ce soutien se révèle concrètement notamment à travers notre effort militaire. Les Hasmonéens, également, étaient animés par une foi profonde, et c'est pourquoi leurs humbles brigades frugalement armées, réussirent à mettre en pièces les
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puissantes troupes grecques. De nos jours aussi, "l'arme secrète de l'armée d'Israël", c'est le moral, la foi, la conviction de combattre pour une cause juste, l'attachement conscient ou inconscient à notre Dieu. ***************
Vaéra La maison et la vigne
...A propos de la construction du Temple lui-même, nos Sages ont énoncé un important principe : "Bonim ba'hol, véa'har qa'h méqadechin" (Meila 14a), autrement dit : on construit d'abord le profane pour ensuite le sanctifier. Les pierres utilisées pour construire le Temple recevaient effectivement une grande sainteté, et il était interdit de s'en servir pour quelque utilisation profane. Cependant, il était difficile d'empêcher les ouvriers de s'y asseoir de temps en temps ou même d'y grimper au besoin. C'est donc pour éviter la transgression du sacré que le règlement des chantiers de construction faisait surseoir la pénétration des pierres dans le cadre de la sainteté. Celles-ci restaient donc profanes jusqu'à ce toute la construction fut achevée. C'est alors seulement qu'elles recevaient leur consécration ultime. Le Talmud explique cette mesure, dans sa profondeur, à l'aide du célèbre principe : "La Torah n'a pas été donnée à des Anges. " (raid. b). Nous ne sommes pas des anges et nous ne pouvons pas d'emblée construire une réalité dans sa perfection et dans toute sa dimension spirituelle. Ce n'est que petit à petit que les éléments de ce monde atteignent toute leur véritable valeur. La délivrance messianique tant attendue ne sera pas le fait d'une révolution soudaine, mais résultera plutôt d'une évolution progressive. Selon l'expression de nos Sages, cette évolution se réalisera gime'a, gime'a, étapes par étapes, ainsi que le mentionne le Talmud de Yérouchalayim (Bérahot I,1). Tout commence par le rassemblement des dispersés, comme l'affirme le prophète Yehézqel dans notre Haftarah : 'Ainsi parle le Seigneur Dieu : 'Quand Je rassemblerai la maison d'Israël d'entre les peuples où ils sont dispersés, Je me sanctifierai par eux aux yeux des nations et ils demeureront sur le territoire que J'ai donné à mon serviteur Ya'acov'. " (Yehézqel XXVIII, 25). Il apparaîtrait, à première vue, que le terme de sanctification ne soit pas adéquat de nos jours. En effet, sans vouloir discréditer notre peuple bien aimé, il semble que nous ne soyons pas toujours un exemple de piété et de respect des lois. Ne serait-il pas malheureusement plus exact de parler actuellement de profanation du Nom de Dieu ? Cette question pertinente s'inscrit en effet dans une réalité qui nous désole et nous attriste profondément.
Mais le prophète Yehézqel fait référence à une autre sanctification du Nom de Dieu, qui consiste dans le retour même du peuple juif sur sa terre. Le fait que le peuple de Dieu soit en exil hors de sa terre est en soi une profanation du Nom divin, car cela semble démontrer que le projet divin concernant le peuple élu a échoué. Ce projet serait donc perçu comme un raté de l'histoire, et donc un raté de Dieu. Le "juif errant" à travers le
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monde, parlant dans toutes les langues du monde sauf dans la sienne propre, éveille chez des nations des doutes concernant la crédibilité de ce projet, sur l'identité de l'authentique peuple de Dieu et, comble de l'ironie, sur la providence du Créateur de l'univers dont le peuple d'Israël est l'unique témoin authentique. Ce projet du Créateur semblerait ainsi n'être qu'une ébauche passagère, destinée à disparaître ou à céder la place à un autre projet, et à un autre peuple, à Dieu ne plaise. Il ne peut exister de plus grande profanation du Nom de Dieu que celle-ci.
Tandis que lorsque notre peuple disloqué se rassemble et se reconstruit sur sa terre, cela dévoile aux yeux de l'humanité entière que Dieu a dit vrai, que la Torah ne s'est pas trompée, que la décision divine quant à la pérennité du peuple juif est irrévocable ! Les promesses prophétiques annonçant la résurrection du peuple juif ne sont pas des consolations vaines et mensongères. Lorsque la parole prophétique se réalise sous les yeux des nations en commotion, il ne peut y avoir de plus grande sanctification du Nom de Dieu.
Ce retour du peuple juif sur sa terre s'accompagne de la promesse : "Ils demeureront sur ce territoire. " Il ne s'agit pas d'un simple retour provisoire, voué à l'échec de l'essai préparatoire, car notre peuple a su déjà préparer toutes les infrastructures qui lui sont nécessaires pour s'implanter et s'enraciner définitivement sur son territoire. Le prophète Yehézqel nous spécifie : "Ils y demeureront en sécurité, ils bâtiront des maisons, planteront des vignes et demeureront en sécurité. Parce que Je ferai justice de leurs ennemis alentour. Ils reconnaîtront que moi, le Seigneur, Je suis leur Dieu. " (26). Ainsi, aux deux éléments précédemment mentionnés qui permettent la survie du peuple juif sur sa terre, à savoir la reconstruction et l'agriculture, s'ajoute ici un troisième élément non moins vital, qui concerne notre sécurité. Sur ce point, le verset précité revient à deux reprises. En effet, jusqu'au jour où l'humanité transformera son glaive en soc de charrue, nous devrons posséder une puissante armée de défense.
"Si vis pacem para bellum, si tu veux la paix, prépare la guerre" affirme le célèbre dicton romain. Notre maître Maïmonide, grand codificateur des lois relatives à la vie nationale, nous y prépare dans son ouvrage les Lois Royales, dont le titre même : Hil'hoth Mela'him ouMil'hamotéhem, Lois concernant les Rois et leurs guerres, nous confronte à cette réalité.
Mais nous pourrions nous demander à juste titre si nous vivons réellement en sécurité dans notre pays. Navons-nous pas affronté de sanglantes guerres de défense depuis notre indépendance, et aujourd'hui encore, le terrorisme arabe ne frappe-t-il pas cruellement la population civile innocente. Où est donc passée la tranquillité promise, de retour au pays ?
Nous devons considérer deux types de sécurité. La première, qui décrit une situation idéale, dans laquelle la paix lointaine et l'amour régneront entre les nations du monde, et la seconde, réaliste, immédiate et concrète, basée sur notre capacité à nous
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défendre et à endiguer la violence ennemie par la guerre de dissuasion. Notre pays est également l'abri national sûr dont parlait le promoteur du sionisme, Théodore Herzl. Mais bien avant lui, le prophète Yehézqel nous l'avait annoncé : "Je ferai justice de leurs ennemis alentour. " La paix évoquée par la Torah n'est pas forcément fondée sur les intentions pacifiques de nos voisins, mais repose souvent sur la crainte que nous leur inspirons : "J'amènerai la paix sur terre, et vous dormirez sans crainte... Et le glaive ne traversera pas votre pays... Et vous poursuivrez vos ennemis... Ils tomberont sous votre glaive... Cinq d'entre vous en poursuivront cent, et cent d'entre vous en poursuivra une myriade... Et vos ennemis tomberont devant vous par le glaive. " (Vayikra 26, 6-8). Il peut nous sembler paradoxal que ce verset associe l'idée de la paix avec la poursuite de nos ennemis. Nous admettrons cependant que cette situation, bien que n'étant pas idéale, nous procure tout de même une certaine sécurité et une paix relative, infiniment préférables à l'époque de notre errance tragique à travers le monde, où nous subissions, impuissants, persécutions, pogroms et Shoah. Nous pouvons dormir tranquillement dans nos foyers, car nous possédons une armée qui nous protège et qui est en mesure, s'il le faut, de mettre nos ennemis en déroute. Nous devons être reconnaissants envers Dieu que cinq millions et demi de Juifs inspirent la crainte, tellement salutaire, à deux cents millions d'arabes fanatisés. Ce ne sont pas encore les proportions supérieures annoncées par la Torah dans le verset précité, mais nous nous en approchons.
Nous espérons évidemment que notre force dissuasive suffira à éviter une guerre éventuelle ; mais du moins pouvons-nous être certains que, dans un avenir proche ou lointain, "le glaive ne traversera pas votre territoire. " Si une guerre s'avérait inévitable, elle se mènera donc en territoire ennemi, afin que nous puissions, avec nos vieillards, nos femmes et nos enfants, vivre en paix dans nos maisons et en sécurité sous nos vignes. ***************
Parah La grande sanctification du nom de Dieu
"Et Je sanctifierai Mon grand Nom qui a été outragé parmi les nations, que vous-mêmes avez outragé parmi elles, et les nations sauront que Je suis le Seigneur. " (Yehézqel 36, 23) Notre Haftarah est particulière, relative à la lecture d'un passage complémentaire de la Torah appelée Parah. Ce texte traite de la vache rousse, destinée à nous purifier de toute souillure due au contact avec un mort. En effet, la fête de Pessa'h toute proche impose la nécessité de se purifier. C'est pourquoi nous lisons ce paragraphe relatif à la purification. La Haftarah ne concerne pas la purification de l'individu, mais de celle de la nation entière, à la fin de l'exil, alors qu'elle en a bien besoin. "La parole du Seigneur me fut adressée en ces termes : Fils de l'homme, alors que la maison d'Israël habitait dans son pays, ils l'ont souillée par leur conduite et par leurs
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ouvres : comme la souillure de la femme impure, telle fut leur conduite devant Moi. " (16-17). Le peuple juif, on le sait, a sombré dans l'idolâtrie, la débauche et le meurtre, lesquels sont autant de graves manquements nécessitant une réparation radicale, à savoir : l'exil. "J'ai donc répandu Mon courroux sur eux à cause du sang qu'ils ont répandu sur la terre et des idoles infâmes dont ils l'ont souillée. Et je les ai dispersés parmi les nations, disséminés dans les pays ; selon leur conduite et selon leurs ouvres, Je les ai jugés. " (18-19). Puisque nous n'avons pas été en mesure d'être une nation sainte, il était donc nécessaire de nous disséminer parmi les nations de la terre. Mais au coeur de l'exil s'élève un problème non moins grave que celui responsable de la dispersion. 'Mais arrivés chez les nations où ils devaient venir, ils ont profané Mon Saint Nom. " (20). De quelle profanation s'agit-il ? Le peuple juif n'a-t-il pas déjà atteint le paroxysme de la profanation du saint Nom par la gravité de ses fautes ? En fait, il ne s'agit pas là de la profanation relative à sa conduite. Le texte en précise la nature : "Ils ont profané Mon saint Nom par le fait qu'on disait d'eux : Ces gens sont le peuple du Seigneur, et c'est de Son pays qu'ils sont sortis. "(20). En effet, l'humanité sait très bien que le peuple d'Israël est le peuple élu, que la terre d'Israël lui appartient, et que c'est à elle que le projet divin le prédestine. Et voici que, selon toute apparence, ce projet divin semble avoir fait faillite, et que le peuple juif, au lieu d'être souverain sur sa terre, est devenu un peuple errant et misérable. Ce fiasco à l'échelle nationale s'avère insupportable : 'Alors Je Me suis ému pour Mon saint Nom qu'avait profané la maison d'Israël parmi les nations où ils étaient venus. " (21). En effet, la finalité de toute la création est bien la sanctification du Nom de Dieu, qui a fait descendre Sa présence des mondes d'en-Haut vers les mondes d'en-bas, afin d'y résider et de l'y faire resplendir, par l'intermédiaire du peuple juif. Pour l'instant, ce projet est reporté puisque le peuple juif se trouve hors de sa terre.
'Ainsi parle le Seigneur Dieu : Ce n'est pas à cause de vous que J'agis, maison d'Israël, mais bien pour Mon saint Nom, que vous avez profané parmi les nations où vous êtes rendus. " (22). Le peuple juif ne mérite pas d'être pris en considération, mais Dieu le fait pour la sanctification de Son Nom : "Je sanctifierai Mon grand Nom qui a été outragé parmi les nations, que vous-mêmes avez outragé parmi elles, et les nations sauront que Je suis le Seigneur, dit le Seigneur Dieu, quand Je Me sanctifierai par vous à leurs yeux " (23). C'est à nous par principe qu'il incombe de sanctifier le Nom de Dieu, mais lorsque nous manquons à notre mission, c'est Dieu Lui-même qui la prend en relais. De quelle façon répare-t-Il cet outrage et cette injure à son saint Nom ? "Et Je vous retirerai d'entre les nations, Je vous rassemblerai de tous les pays et vous ramènerai sur votre sol. " (24). La grande sanctification du Nom de Dieu, c'est donc le rassemblement des dispersés, la résurrection du peuple juif revenant à sa terre, laquelle revient également à son peuple. Ainsi, tout rentre dans l'ordre, selon le plan divin. Cependant, cette rédemption n'apparaît pas par le mérite du peuple juif : "Et J'épancherai sur vous des eaux pures afin que vous deveniez purs. De toutes vos souillures et de toutes vos abominations Je vous purifierai. " (25). Le peuple juif qui monte en Israël n'est donc pas forcément un peuple pur, mais le deviendra sur sa terre, contrairement à l'opinion
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professée par un certain courant rabbinique, qui prétend que la purification du peuple juif en exil doit précéder le retour du peuple sur sa terre. Le prophète transmet le message justement opposé, selon la parole divine. L'exil est une profanation, ce n'est pas un lieu de purification. Ce n'est qu'en Eretz Israël que celle-ci pourra s'opérer. "Je vous donnerai un coeur nouveau et Je vous inspirerai un esprit nouveau ; J'enlèverai le coeur de pierre de votre sein et Je vous donnerai un coeur de chair. " (26). Même si des juifs montant en Eretz Israël possèdent un coeur de pierre, ils recevront un coeur de chair lorsqu'ils seront enracinés dans leur pays. La rédemption spirituelle du peuple juif suivra sa rédemption nationale, inéluctablement, conformément au plan divin. "Je mettrai en vous Mon esprit et Je ferai en sorte que vous suiviez Mes statuts et que vous observiez et pratiquiez Mes lois." (27). Le respect des Mitzvoth est un stade bien ultérieur à la purification effectuée par Dieu, à travers les eaux pures et l'octroi d'un coeur de chair. Et afin qu'il soit absolument clair que cette rédemption est indépendante de nos mérites et qu'elle n'est nullement conditionnée par elle, le prophète Yehézqel insiste : 'Alors vous vous souviendrez de vos voies perverses et de vos oeuvres peu louables, et vous aurez le dégoût de vous-mêmes à cause de vos péchés et de vos abominations. Ce n'est pas pour vous que j'agis, dis le Seigneur Dieu, sachez-le ! Ayez honte et confusion de vos voies, maison d'Israël !" (31-32). Le prophète Yehézqel nous donne un plan extrêmement précis de la Guéoulah, la résurrection du peuple juif. Selon le projet divin, Israël revient tout d'abord à sa terre, puis il se rédime sur le plan moral, spirituel et religieux, étape par étape. Dieu procède à sa purification en le débarrassant des souillures de l'exil, et ainsi remis à neuf dans son corps, son coeur et son esprit, il est prêt à accomplir les Mitzvoth de la Torah. De la même façon que la première partie de la prophétie d'Yé'hezkiel se réalise à nos yeux, à savoir le retour du peuple juif sur sa terre ainsi que dans une certaine mesure le développement progressif d'un esprit nouveau, plus idéaliste, moral et spirituel, ne désespérons pas de voir peu à peu se réaliser également les autres étapes de notre rédemption, laquelle nous conduira à notre union totale et idyllique avec Dieu et Sa Torah. ***************
Ha'hodech Le grand programme de la Rédemption
"En ce premier mois, le quatorzième jour du mois, aura lieu pour vous la fête de Pessa'h, fête célébrée sept jours, pendant lesquels on mangera des azymes " (Yé hezqel 45, 21). Dans les derniers chapitres du livre de Yé'hezkiel, qui fait allusion à la fête de Pessa'h, le prophète décrit les différentes étapes de la renaissance du peuple juif sur sa terre, jusqu'à l'édification du troisième Temple et l'attribution d'un Nom divin à Yérouchalayim.
La Haftarah que nous allons analyser est particulière, appelée ha'Hodesh, le mois, que nous lisons dès que nous approchons de la fête de Pessa'h. Elle nous décrit la
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renaissance du peuple juif dans les temps futurs jusqu'à son paroxysme, le troisième Temple. En effet, le prophète Yé'hezkiel qui vivait à l'époque tragique du premier exil nous insuffle un espoir et nous transmet la parole divine relative aux événements à venir, selon un plan extrêmement précis. Tout d'abord, dans le trente-sixième chapitre, il nous décrit la résurrection de la terre d'Israël. Cette terre aride durant des siècles, qui était l'abomination de la désolation, se met soudain à refleurir : "Et vous, montagnes d'Israël, vous donnerez votre frondaison, et vous porterez votre fruit pour mon peuple d'Israël, car ils sont près de revenir. " (36, 8). Le peuple juif étant sur le point de revenir sur sa terre, il est primordial d'y trouver de quoi se nourrir. Dans une première étape, Dieu assure une agriculture fleurissante en Eretz Israël : "Car Me voici venir vers vous, Je me tournerai de votre côté et vous serez cultivées et ensemencées. " (9). Depuis plus de cent ans, nous constatons en effet que la bonté divine ne cesse de s'épancher sur nous et nous comble d'une richesse agricole exceptionnelle. Cette première étape prépare le rassemblement des dispersés dont il est question dans la deuxième partie du trente-sixième chapitre que nous avons analysé dans notre précédent chapitre. En effet, le fait même que le peuple juif soit dispersé en exil constitue la plus grave profanation du Nom divin qui puisse être (20), et c'est pourquoi Dieu s'engage à rassembler son peuple de manière inconditionnelle, et à le ramener sur son sol (24). C'est une résurrection aux yeux de toutes les nations : "Et ce sol dévasté sera cultivé au lieu d'offrir l'image de la désolation aux yeux de tout passant, et l'on dira : voyez-vous cette terre dévastée est devenue comme le jardin d'Éden, et ces villes ruinées, dépeuplées, écroulées, les voilà fortif ées et habitées. " (34-35). Cela nous rappelle la description de Lamartine qui, se promenant aux alentours de Yérouchalayim, écrivit : "Je me promène des heures aux environs de Jérusalem, sans rencontrer âme qui vive. Ce pays, c'est le tombeau d'une nation." Aujourd'hui, nous assistons à l'ouverture de ce tombeau, à la résurrection de cette nation. Et nous étudions ce sujet précisément dans le trente-septième chapitre qui expose la célèbre vision des ossements desséchés : "La main du Seigneur se posa sur moi, et le Seigneur me transporta en esprit et me déposa au milieu de la vallée, laquelle était pleine d'ossements. " (37, 1). Ainsi, le peuple juif est mort en tant que nation, mais d'une mort non irréversible, porteuse d'une promesse génératrice de vie : 'Ainsi parle le Seigneur Dieu à ces ossements : Je vais faire passer en vous un souffle, et vous revivrez. " (5). Cette résurrection nationale s'effectue petit à petit, comme le mentionne plus loin le texte biblique : "Je vis qu'il y avait sur eux des nerfs, qu'une chair s'était développée et qu'une peau s'étendait par-dessus, mais d'esprit, il n :y en avait point encore. " (8). Quant à la résurrection spirituelle, c'est l'étape suivante, mentionnée plus loin : "Fais appel à l'esprit, fais appel, fils de l'homme, et dis à l'esprit... viens, ô esprit, souffle sur ces cadavres et qu'ils revivent. " (9). La résurrection du peuple juif n'est pas définie uniquement par le miracle du désert qui refleurit, ou par le retour du peuple juif sur sa terre, ou encore par l'établissement d'un Etat souverain, mais consiste également en la réunification du peuple, comme nous
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pouvons le découvrir dans la seconde partie du chapitre trente-sept. Le prophète reçoit l'ordre d'inscrire respectivement sur deux pièces de bois les deux noms antagonistes d'Ephraïm et de Yéhoudah, et de les rapprocher l'une de l'autre (1617). Ce geste symbolique signifie l'union du peuple prédestiné dans les temps futurs à surmonter toutes ses divergences et querelles internes : "Je les constituerai en nation unie dans le pays, sur les montagnes d'Israël ; un seul roi sera le roi d'eux tous, ils ne formeront plus une nation double et ils ne seront plus, plus jamais, fractionnés en deux royaumes. " (22).
Malheureusement, rien n'est simple, en particulier lorsque nous devons faire face à nos ennemis qui sont loin d'apprécier la création de cet Etat renaissant. C'est ainsi qu'ils se rassemblent sous la direction de Gog, roi de Magog afin d'entraver le projet divin et de détruire cet état. Quelle est donc cette guerre de Gog et Magog ? "Après de longs jours, tu seras mandé", cette guerre se déroulera donc à la fin des temps. "A l'expiration de nombreuses années, tu envahiras un pays affranchi du glaive", habitent dans ce pays des juifs rescapés de toutes sortes de persécutions. "Recueilli d'entre des peuples nombreux", ces juifs provenant de tous lieux se sont rassemblés sur leur terre. "Les montagnes d'Israël qui étaient sans cesse en ruine ", ils se sont installés dans ces ruines et les ont reconstruites. "Oui, il a été retiré des nations", par un processus imprévisible, cette terre qui était tombée entre des mains étrangères, en l'occurrence les Turcs, leur a été retirée pour nous être donnée. "Et tous ils habitent en pleine sécurité", par une grâce toute providentielle, le peuple juif est désormais à l'abri de tout danger d'extermination (8). Mais Gog et ses acolytes "méditeront un mauvais dessein" et projetteront de "marcher contre ce pays aux villes ouvertes", et de "surprendre des gens paisibles qui vivent en toute sécurité, habitant tous sans remparts, n'ayant ni verrous ni portes. " (10 -11). Toutefois, le scénario se retournera contre ces destructeurs, et c'est nous qui les mettrons finalement en pièces (chap. 38 - 39).
A tous ces événements dirigés par la main divine, succède la construction du Temple, qui est largement décrit dans toute son architecture tout au long des chapitres quarante et quarante-quatre. Au quarante-cinquième chapitre, nous parvenons au service divin de Pessa'h relaté dans notre Haftarah, avec tous les divers sacrifices décrits dans le quarante-sixième chapitre. Au quarante-septième chapitre, nous traitons de la redistribution du pays aux douze tribus d'Israël. En effet, chaque tribu est implantée dans le territoire qui lui est attribué. Et l'accord final de Yé'hezkiel se rapporte à Yérouchalayim 'Dix huit milles terrains entoureront Yérouchalayim. " Ce sera une bien grande ville, sa grandeur géographique sera à la mesure de sa grandeur spirituelle. "Désormais, le nom de la ville sera : Dieu est là. " (Yéhezqel 48, 35). La présence divine sera restaurée. Au terme des étapes successives destinées à la sanctification du Nom de Dieu profané antérieurement, Yérouchalayim se révèlera alors comme une ville divine couronnée d'un nom nouveau, un nom divin. ***************
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Pessa'h La vision des ossements
4` "La main du Seigneur se posa sur moi et le Seigneur me transporta en esprit et me déposa au milieu de la vallée, laquelle était pleine d'ossements. Il me fit avancer près d'eux, tout autour. Or, il y en avait un très grand nombres.- et ils étaient tout desséchés. " (Yé'hngid 37, 1-2). L'exil est un cimetière. Et lorsque Yehézqel prophétise la résurrection des morts, il fait allusion à la renaissance du peuple juif sur sa terre.
Quels sont donc ces ossements apparus en songe prophétique Yehézqel ? S'agit-il d'ossements ayant appartenu à des individus particuliers ? D'après l'interprétation de nos Sages, il s'agit d'une métaphore représentant les restes inanimés de la nation juive en tant que collectivité, comparés à des ossements desséchés. Il ne s'agit donc pas forcément de morts individuels (Sanhédrin 92b). Lorsque Rabbi Yéhouda Halévy expose au roi des Khazars la situation du peuple juif en exil, dépourvu de son royaume, de sa terre et de son Temple, son interlocuteur s'exclame : "S'il en est ainsi, vous êtes comme un corps sans tête et sans coeur" ! Et le Sage de lui répondre : "Nous n'avons même pas de corps ! Nous sommes des ossements desséchés et éparpillés, ceux-là mêmes qui apparurent en songe à Yé'hezkiel. C'est à la suite de cette vision que le prophète nous a transmis ces paroles encourageantes : Ces ossements étaient jadis dans un corps vivant, qui portait une tête et un coeur, un esprit et une âme. Et il en est resté quand-même une certaine quintessence, qui vaut bien mieux qu'une simple statue découpée dans la matière et qui n'a jamais connu la vie. " (Kozari II, 29-30). Pour le peuple juif, l'exil n'est pas vivre, ce n'est que survivre. La condition d'exil implique de tenir bon en continuant de subsister en vue du retour, grâce aux dernières traces de notre vitalité nationale, souvenir de notre passé glorieux. En attendant, il nous reste la préoccupation de savoir si le peuple juif pourra réellement ressusciter à partir de si faibles traces. "Fils de l'homme, ces ossements peuvent-ils revivre ? Prophétise sur ces ossements et dis-leur : Ossements desséchés, écoutez la parole du Seigneur. " (Yehézqel 37, 3-4)
On ne peut pas tergiverser, l'exil est bel et bien un cimetière. Le célèbre Sage Rabi Eliyahou Kremer, surnommé le Gaon de Vilna, qui vécut il y a plus de deux cents ans, et qui fut un phare pour sa génération ainsi que les suivantes, nous décrit l'exil sans tenter de l'embellir. Il affirme explicitement que l'exil est un tombeau, que depuis la destruction du Temple nous sommes un corps sans âme, entouré et dévoré par une vermine que nous ne pouvons vaincre. Nous sommes en effet entourés par les peuples qui nous effritent. Au début de l'exil, nous étions au moins rassemblés en un seul endroit, autour des grandes yéchivot de Babylonie, tel un cadavre avant sa décomposition. Mais par la suite, passé le stade de putréfaction, nos ossements ont été desséchés et dispersés dans tous les confins de la terre. Ces os ont cependant subsisté à travers les grands Sages, les piliers de la nation, jusqu'à ce qu'ils se soient eux aussi désagrégés petit à petit. Tout ce qui reste de notre peuple est juste un peu de
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poussière, qui attend la résurrection promise pour renaître à la vie (Commentaire sur le Sifra Ditseni'outa, adjonction in fine). Comprenons bien que lorsque Rabi Eliyahou de Vilna mentionne cette putréfaction et cette décomposition du peuple juif, et à plus forte raison de nos Sages, il ne parle pas à l'échelle individuelle. Il y a toujours eu dans le peuple des grands maîtres de la Torah, des géants de vertu, de sainteté et de spiritualité. Il parle à l'échelle collective, du peuple juif en tant que nation. Revenons à notre vision. "Ainsi parle le Seigneur Dieu à ces ossements : Voici que je vais faire passer en vous un souffle, et vous revivrez. Je mettrai sur vous des nerfs, je ferai croître autour de vous de la chair, je vous envelopperai d'une peau, puis je mettrai en vous un esprit et vous vivrez. Et vous reconnaîtrez que je suis le Seigneur. " (5-6). Cette résurrection se déroule donc par étapes : d'abord apparaissent des nerfs, puis de la chair, de la peau, et enfin un esprit. A partir d'un même souffle resurgit la vie, c'est le même souffle qui donne naissance à l'enfant et à tout être. "Je prophétisai comme j'en avais reçu l'ordre... et les os se rapprochèrent en s'ajustant l'un à l'autre. "(7). Le peuple éparpillé dans tous les confins de la terre se réunit et retourne à sa terre qui se met à refleurir. D'individus isolés, nous redevenons collectivité, Clal Israël, la collectivité d'Israël, qui est le fondement de la vie d'un Etat.
Mais un problème persiste : 'Je vis qu'il y avait sur eux des nerfs, qu'une chair s'était développée et qu'une peau s'étendait pardessus, mais de souffle, il n y en avait point encore. " (8). Il existe bien une résurrection nationale, matérielle, agricole, industrielle, militaire et sociale, mais il manque le souffle, la vie spirituelle et religieuse au niveau collectif. "Il me dit :...Fais appel, fils de l'homme, et dis à l'esprit :... Des quatre coins, viens, ô esprit, souffle sur ces cadavres et qu'ils revivent. Et je prophétisai, comme il me l'avait ordonné, et l'esprit les pénétra, ils vécurent et ils se dressèrent sur leurs pieds, en une multitude extrêmement nombreuse. " (9-10). C'est la tâche du prophète de 'faire appel à l'esprit", c'est-à-dire d'instaurer une spiritualité renouvelée au sein du peuple, et de l'éduquer avec l'aide de tous ses disciples également dévoués à cette oeuvre. Le prophète nous livre la clé de cette vision : "Fils de l'homme, ces ossements, c'est toute la maison d'Israël. Ceux-ci disent : Nos os sont desséchés, notre espoir est perdu, c'en est fait de nous. " (11). L'exil dure si longtemps que le peuple juif subit les assauts du désespoir, "avdah tiqvaténou" : Notre espoir est perdu ! Expression sur laquelle est paraphrasée notre hymne national : "Od lo avdah tiqvaténou" Non, notre espoir n'est pas perdu, tout est à espérer, tout est certain. "Eh bien ! Prophétise et dis-leur : Voici que Je rouvre vos tombeaux, desquels Je vous ferai remonter, ô mon peuple ! Et Je vous ramènerai au pays d'Israël... Je mettrai mon esprit en vous, et vous serez vivifiés, et Je vous asseoirai sur votre sol, et vous reconnaîtrez que Je suis le Seigneur, qui a parlé et qui réalise, dit le Seigneur. " (12-14). Toutes ces prophéties se réalisent en effet devant nous aujourd'hui, nous les vivons au jour le jour, nous sommes certains que l'esprit qui a commencé de se répandre parmi nous continuera son chemin jusqu'à sa plénitude la plus entière ! Le prophète a dit vrai, et cette vérité continuera d'apparaître et de se développer de façon éclatante. ***************
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Béha'alote'ha Une occasion historique L'époque du second Temple présente bien des similitudes avec la nôtre. Les paroles des prophètes retentissent jusqu'à nos jours pour nous enseigner la conduite à suivre pour notre génération.
"Exulte et réjouis-toi, fille de Tsion ! Car voici, J'arrive pour résider au milieu de toi, dit le Seigneur. " (Ze'hariah II, 14). Le prophète Ze'hariah dont voici la prédiction, était l'un des trois derniers prophètes de l'époque du second Temple, avec 'Hagaï et Mala'hi. Il existe plusieurs niveaux différents de prophétie et d'inspiration divine. Nos Sages précisent que la prophétie de l'époque du second Temple était à un niveau inférieur à celle du premier (Yoma 9b). La présence divine était à cette époque moins manifeste, mais cela n'empêchait pas l'existence de prophètes qui nous annoncèrent l'imminence de la délivrance du peuple juif et de ses nouvelles épousailles avec son Dieu. Il était grand temps de quitter l'exil pour la Terre d'Israël, et de nous y réjouir. Cet appel n'était pas seulement celui des prophètes, mais celui également de deux grandes personnalités, 'Ezra et Né'hémiah, mentionnés dans la Bible elle-même. 'Ezra était un géant spirituel. Selon une opinion de nos Sages, c'était le prophète Mala'hi luimême (Méguila 15a). II se nommait Mala'hi en tant que prophète, et Ezra en tant que Sage. C'est lui qui, en participation avec d'autres Sages, a fixé le rite des prières (Maimonide, Lois sur la prière 1, 4). Nos Sages estimaient tant 'Ezra, qu'ils dirent à son sujet : "'Ezra était digne que la Torah soit donnée par lui au peuple d'Israël, si Moché ne l'avait précédé. " (Sanhédrin 21b). 'Ezra consacra toute sa vie à expliquer la Torah, et à la faire pénétrer dans les coeurs : "Car 'Ezra avait disposé son coeur à étudier la doctrine de Dieu et à la pratiquer, de même qu'à enseigner à Israël la Loi et la Justice. " (Ezra 7, 10). Il fut à la fois un homme d'esprit et un homme d'action, qui présida au retour vers la terre. Cette époque connaissait également deux autres personnalités, l'une d'elle est mentionnée dans notre Haftarah, il s'agit du grand prêtre Yéhochoua', également un grand homme d'esprit. Plus loin, nous rencontrons Zeroubavel (zé hariah 1v), de la descendance de David, et qui occupait une grande place dans la hiérarchie nationale.
Quoi qu'il en soit, les personnalités les plus marquantes de l'époque étaient 'Ezra et Né'hémiah. Le premier avait appelé le Judaïsme de l'exil à monter en Eretz Israël, et un certain nombre était effectivement monté avec lui (Michnah Kidouchin 4, 1). La situation était semblable à celle de notre époque. Malgré les nombreux appels à monter en Israël, beaucoup de Sages refusèrent d'y répondre, ne percevant pas dans ce retour la Gueoulah tant attendue. De même, lorsque le second Temple fut reconstruit, des vieillards qui avaient vu le premier Temple dans sa splendeur méprisaient le nouvel édifice qui leur semblait tout petit et dénué de valeur. 'Mais beaucoup de prêtres, de lévites et de chefs de famille avancés en âge, lesquels avaient encore vu l'ancien Temple, lorsqu'ils furent témoins de la fondation de ce Temple, pleurèrent hautement, tandis que d'autres faisaient
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retentir des cris de triomphe et de joie. " (Ezra 3, 12).
Le prophète Zé'hariah voyait avec une grande gravité cette réaction, : "Car qui mépriserait le jour de ces humbles commencements ? Plutôt se réjouiront-ils de voir la pierre du niveau dans la main de Zeroubavel. " (zé'hariah 4, 10). A ce sujet, nos Sages expliquent : "Qu'est-ce qui cause aux Justes de perdre leur table 📷(= leur influence) dans l'avenir ? Leur petitesse de ne pas avoir eu foi en Dieu. " (sotah 48b). Rachi explique qu'il s'agissait d'une 'petitesse de foi" en ce que Dieu faisait pour nous. C'est pourquoi ils n'ont pas participé à l'Alyah.
Nos Sages racontent qu'un jour Rech Lakich, éminent Sage d`Eretz Israël, nageait dans le Yarden, à cette époque frontière entre Eretz Israël et l'exil. Un Sage de Babylonie s'approcha de lui en le saluant, Rech Lakich refusa de lui rendre son salut, mais lui dit : Je vous hai parce que vous n'avez pas répondu à l'appel d'Ezra, et vous n'êtes pas montés en Eretz Israël. " (Yoma 9b)
De nos jours également, beaucoup de Sages et de gens pieux posent, sur les grands événements actuels, un regard étroit. S'ils avaient su entrevoir le doigt de Dieu à travers ce retour massif, ils seraient également montés, et notre situation spirituelle et matérielle en terre d'Israël en aurait été d'autant améliorée. Leur opposition archaïque à l'Alyah est due à leur cécité spirituelle devant les grands événements de la Guéoulah.
C'est pourquoi, ce chapitre s'adresse également à nous. Nos Sages nous font savoir qu'il y eut beaucoup de prophètes tout au long des générations, mais leurs propos ne furent pas tous mis par écrit. Seules les prophéties nécessaires aux générations futures furent transcrites (Méguila 14a). La parole divine s'est révélée à une certaine date, à une certaine époque, dans de certaines circonstances, mais contient un enseignement d'ordre général, qui reste valable le long des générations et s'y répercute. Nous devons toujours nous sentir concernés par les paroles de nos prophètes. La parole divine a une valeur éternelle. "Exulte et réjouis-toi, fille de Tsion ! Car voici, J'arrive pour résider au milieu de tit, dit le Seigneur. " Ce verset qui ouvre notre Haftarah est mentionné par Rabbi Yéhoudah Halévy, lorsque son objecteur systématique, le roi des Khazars, reproche au peuple juif de ne pas monter en Eretz Israël. Le sage lui répond : "Tu me couvres de honte, roi des Khazars. "
En effet, tout en reconnaissant la valeur d'Eretz Israël, seule une minorité de Juifs, au nombre de quararante mille (Né'hémiah VII, 66), acceptèrent de renoncer à leurs demeures et leurs occupations et quittèrent l'exil (Kozari II, 24). Les Sages, les riches, et une large majorité du peuple choisirent de rester sous un joug étranger. L'acceptation de leur devoir n'ayant été que partielle, les promesses ne se sont réalisées qu'imparfaitement. Rabbi Yéhoudah Halévy commente à ce sujet Chir HaChirim (5, 24).: "Je dors, mais mon coeur est en éveil. La voix de mon bien-aimé m'appelle : ouvremoi, ma soeur, ma compagne... " La bien-aimée, le peuple d'Israël, répond : "J'ai enlevé
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ma tunique, comment pourrais-je la remettre ?" C'est une allusion à sa paresse à revenir. "Je me suis lavé les pieds, comment pourrais-je les salir ? Mon bien-aimé a fait passé sa main à travers la lucarne", ce sont tous les prophètes qui les ont exhortés. "Et mes entrailles s'émeuvent en sa faveur. " Si le peuple va à la rencontre de son pays avec un coeur intègre, il a toutes ses chances de connaître une délivrance semblable à celle d’Egypte (Kozari ibid.). ***************
Chela'h Le'ha Des espions de marque
"Yéhochou'a, fils de Noun, envoya secrètement de Chittém deux espions, en leur disant : allez examiner le pays, notamment Jericho” (Yéhoshou'a 2,1).
Les Sages nous ont transmis des renseignements supplémentaires quant à l'identité de ces deux espions, celle-ci n'étant pas mentionnée dans le texte biblique. II s'agit Pin'has et Calev (Bemidbar Rabba 16, 1). Calev, se lançant ainsi dans sa seconde mission d'espionnage, puisqu'il avait également participé à celle organisée par Moché et mentionnée dans notre Parachah. Calev, fils de Yéfouné, était l'espion de la tribu de Yéhoudah (Bamidbar 13, 7). Yéhoshou'a était lui-même un espion de la tribu d'Ephraïm (8). Parmi les douze espions envoyés par Moché pour explorer la terre sainte, seuls Yéhoshoua et Calev étaient restés fidèles à leur mission, et essayèrent de persuader le peuple juif de monter en Eretz Israël et de ne pas avoir peur. Malheureusement, leurs efforts furent vains. "Calev fit taire le peuple soulevé contre Moché et dit: Montons-y et prenons-en possession, car certes, nous en serons vainqueurs. " (30). Plus tard, le peuple fut sévèrement puni, hormis Calev : "Pour mon serviteur Calev, attendu qu'il a été animé d'un esprit différent et m'est resté pleinement fidèle, Je le ferai entrer dans le pays où il a pénétré, et sa postérité le possédera. " (Bamidbar 14, 24). Quant aux autres : "Jamais vous n'entrerez dans ce pays où J'avais solennellement promis de vous établir. Il n y aura d'exception que pour Calev, fils de Yéfouné, et Yéhoshou'a, fils de Noun. " (30). Quant à Pin'has, c'est un néophyte de l'espionnage, mais un vétéran en fidélité au peuple juif. C'est lui qui fit cesser le désastre de la débauche du peuple avec les filles de Moav (Bamidbar 25), et fut nommé plus tard Grand-Prêtre à la suite de son grandpère Aharon et de son père Elé'azar (Bamidbar 31, 6). Pin'has, le Grand-Prêtre, ainsi que Calev, chef spirituel de sa tribu, étaient des personnalités d'une grande élévation spirituelle. Yéhoshou'a, quant à lui, était le général en chef de toutes les troupes ainsi que le dépositaire de la Torah : 'Moché reçut la Torah du Sinai; et la transmit à Yéhoshou'a. " (Pirkei Avot 1). Il était le fidèle disciple de Moché : "Yéhoshoua, fils de Noun, son jeune serviteur, ne quittait pas l'intérieur de la tente. " (chemoth 23, 11). II venait le premier aux études, et partait le dernier (Bamidbar Rabba 21, 14).
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Il n'y a donc pas de contradiction entre la Torah, son étude, sa pratique d'une part et l'armée d'Israël, de l'autre. Le même personnage était à la fois un brillant étudiant de Yéchivah, fidèle dépositaire de la loi, et un vaillant combattant ainsi qu'un général en chef. Ces deux Sages avaient des tâches bien particulières dans l'armée d'Israël. Ce qui n'est pas étonnant puisque les élèves de Yéchiva se doivent d'être des fervents exécutants des Mitsvot, et parmi celles-ci, figure la Mitzvah de prendre possession de la terre d'Israël, et si cela est nécessaire, par les armes.
Ainsi que l'explique le Ramban, cette terre doit se trouver entre nos mains, et non pas entre les mains d'une autre nation. Pour assurer cette souveraineté nationale, il faut même agir manu militari, c'est-à dire prendre les armes et combattre de toutes nos forces (Quatrième addendum au Livre des Commandements du Rambam).
Contrairement aux explorateurs envoyés par Moché lesquels n'avaient pas compris l'importance de leur tâche, et qui, au lieu de l'accomplir, ont semé la panique dans le peuple, nos deux espions se sont dévoués pour leur tâche ainsi que le démontre notre Haftarah.
C'est pourquoi, disent nos Sages, ils ont réussi (Bamidbar Rabba 16, 1). En effet, ils furent cachés dans une demeure appartenant à une femme, qui étala pour eux, sur le toit de sa maison, des tiges de lin sous lesquels ils se sont dissimulés. Mais le jour même, la présence des deux hommes dans la ville parvint aux oreilles du roi de Yéri'ho, qui ordonna à leur protectrice de les lui livrer. Au lieu d'obtempérer, cette dernière induit en erreur les hommes du roi en les envoyant à la poursuite des fugitifs dans la direction du Yarden tandis que ces derniers étaient restés à l'abri sur le toit de la maison (Yéhoshou'a II, 1-7).
Ce qui ne manque pas de nous étonner, c'est que cette femme au courage exemplaire était une femme de mauvaise vie, une prostituée (1). Il semble que ce n'était pas la maison la plus appropriée pour accueillir des hommes tels que nos deux explorateurs. D'autant plus que cette rencontre représentait à leur premier contact avec la terre d'Israël. Evidemment, rien n'est laissé au hasard, tout fait partie de la providence divine. C'était donc la volonté divine de les faire pénétrer en terre d'Israël de cette façon particulièrement désagréable, en les dirigeant vers une telle maison. II faut savoir que très souvent, de grandes choses saintes se dévoilent à travers des situations très complexes. L'intervention divine passe souvent par des chemins indélicats. Dans le cas de nos explorateurs, n'aurait-il pas été possible de leur faire atteindre leurs objectifs sans passer par cette épreuve ? Même si les raisons nous échappent ou si ces moyens nous déplaisent, Dieu en avait décidé ainsi, et nous savons bien que souvent, les voies de Dieu sont impénétrables. Nous pouvons lire dans le livre de Iyov : "Qui pourrait donc tirer quelques chose de pur de l'impur ? N'est-ce pas l'Unique ?" (lyov, 14, 4). Le Seigneur Un peut faire apparaître le pur à partir de l'impur. Ainsi que l'explique longuement notre grand maître, le Rav Kook, dans son livre Lumières (Oroth, p. 35-36), ceci vient nous enseigner que de nos jours également, en
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terre d'Israël, même si nous vivons des débuts pas toujours conformes à l'idéal de pureté auquel nous aspirons, nous ne devons pas désespérer de voir dans l'avenir cette impureté se muer en grande sainteté. ***************
Matoth Mass'é Un retour purificateur
A différentes époques, notamment au moment de l'Alyah des Juifs d'Afrique du Nord, une question pertinente s'est posée : Estil préférable que les Juifs religieux restent pratiquants en Diaspora ou s'installent en Eretz Israël au risque de perdre leur attachement aux commandements de la Torah sous l'influence d'un environnement laïc?
"Je vous avais amenés dans un pays de vergers, pour jouir de ses fruits et de ses richesses, mais une fois arrivés, vous avez souillé Mon pays, et de Mon domaine, vous avez fait un sujet d'horreur. " (Yirméyahou, 2, 7). Ce pays qui devait être pour nous un lieu de plénitude matérielle et spirituelle est malheureusement devenu un antre de pécheurs. Assurément, Dieu ne nous a pas sortis d'Egypte dans ce but. "Ô Seigneur qui nous a fait monter du pays d'Egypte, qui nous a guidés à travers le désert, pays de solitude et de précipices, pays de sécheresse et d'ombres mortelles, pays où nul être humain n'avait passé, où nul fils d'Adam n'avait séjourné. " (5). Et voici qu'ayant quitté ce redoutable désert, et parvenus au pays où coule le lait et le miel, nous avons perdu cette opportunité divine, et nous nous sommes conduits avec ingratitude envers notre Dieu, en profanant cette terre. Malheureusement, cette image se répète encore de nos jours. Dieu nous a sauvés de l'exil, nous a conduits en notre terre à force de miracles et de bienfaits, et nous, nous lui avons tourné le dos, en profanant tout idéal, toute vertu et toute sainteté.
Certes, cette triste réalité a conduit un certain nombre de Sages à douter de la valeur de tout le mouvement sioniste. Si les juifs retournent en Eretz Israël pour profaner la loi, la raison d'être de ce retour est à remettre en question. Peut-être serait-il préférable de rester en exil ? Cette terre est sainte, et nos Sages nous enseignent qu'un péché en Terre d'Israël est bien plus grave que le même péché en exil celui qui injurie le roi dans la rue est bien en faute mais ne ressemble pas à celui qui l'injurie dans le palais royal. Quoi qu'il en soit, cette terre doit être sanctifiée et non profanée. La Torah elle-même nous met en garde que si les habitants du pays ne se conduisent pas avec pureté et droiture, "la terre les vomira. " A quoi bon monter en Eretz Israël si en fin de compte cette 'Aliya ajoute des souffrances au peuple juif, car tôt ou tard, la terre d'Israël le vomira ?
Mais malgré tout, ce mouvement de retour vers la terre d'Israël est légitime et conforme à la volonté divine, même si ceux qui font leur 'Aliya ne se conduisent pas toujours selon les lois de la Torah. A propos de notre verset : "Une fois arrivés, vous avez souillé
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Mon pays, et de Mon domaine, vous avez fait un objet d'horreur" (7) - nos Sages expliquent : "Puissent les enfants de mon peuple être en Eretz Israël, même s'ils le souillent. " (Midrach Raba sur le Livre de Eihah introduction).
Ceci est également fondé sur la législation juive, dans laquelle il a été statué qu'à propos des différents entre les membres du couple, lorsque l'un d'entre eux refuse de monter en Eretz Israël, c'est l'opinion du candidat à la 'Aliya qui a force de loi. Et ceci même si le couple habite en exil dans une ville à majorité juive, et qu'il s'agisse de monter dans une ville d'Israël à majorité idolâtre (Ketouboth 110b), bien que cela constitue un danger spirituel évident.
Il en est de même à propos de ceux qui s'opposent à l'Aliya de juifs religieux en Eretz Israël, de peur qu'ils y subissent l'influence néfaste des juifs incroyants. A ce sujet, il existe un responsum du Rav Eliyahou Klatskin, Sage de grande notoriété, qui a légiféré qu'il n'en était pas ainsi, selon les textes talmudiques précités. Nous n'avons pas le droit de jouer au plus fin avec Dieu, en esquivant Ses commandements et nous devons au contraire accomplir Ses ordres en toute foi et en toute confiance, en évitant de faire intervenir nos réflexions personnelles souvent hasardeuses et faillibles.
Voici un épisode raconté par un homme versé dans la loi juive, une figure politique de la dernière génération, Rabi Chlomo Zalman Shragaï "Etant à la tête du Département de l'Aliya de l'Agence Juive, j'ai eu le mérite de faire monter en Eretz Israël des centaines de milliers de juifs d'Afrique du Nord : Algérie, Maroc et Tunisie. Mais une grande partie des nouveaux immigrants ont été accueillis dans des lieux où les habitants ne respectaient pas les Mitsvot, et même s'y opposaient avec force. Le parti Agoudat Israël et d'autres juifs religieux ont été scandalisés de cette influence négative qui atteignait un grand nombre des 'Olim - surtout des jeunes - lesquels étaient très influencés par leur entourage. Parfois même, on ne leur permettait pas de recevoir de la nourriture cachère ni de respecter Chabath. Tous ces gens ont exigé qu'on arrête sur le champ l'Aliya des juifs d'Afrique du Nord. Il est remarquable que des personnalités non religieuses se sont joints à cet appel, ressentant qu'il y avait dans cette attitude une profonde immoralité. De nombreux articles ont été rédigés à ce sujet, attaquant violemment cette Aliya, et leur mécontentement me fut adressé avec virulence. Ils exigèrent, chacun avec d'autres arguments, que je cesse immédiatement cette Aliya. Nous savions que les juifs d'Afrique du Nord étaient en danger de mort, et en même temps, les autorités des pays où ils résidaient utilisaient toutes sortes de moyens pour les persuader à se convertir à l'Islam. C'est pourquoi nous avons continué à faire monter ces juifs, avec l'appui du Grand-Rabbinat d'Israël.
Un jour dans le journal, un membre du Parti National Religieux écrivit un article particulièrement virulent contre cette 'Aliya, qui avait pourtant l'appui de grands rabbins comme le Rav Yossef Dov Solovetchik, mais l'atmosphère hostile qui s'amplifiait sans arrêt, a fini par entamer ma résistance. C'est pourquoi je suis allé faire part de mes
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tourments et mes remords au Rav Tsvi Pessa'h Frank, Grand-Rabbin de Yérouchalayim, qui, en toute réponse, a saisi un livre de sa bibliothèque, dans lequel était écrit en toutes lettres : 'Puissent les enfants d'Israël monter en Eretz Israël même s'ils la profanent' Je ne puis m'opposer aux paroles de nos Sages, m'a dit le Rav Tsvi Pessa'h Frank. Et nous devons également tenir compte du danger couru par les juifs du Maroc, même si ce danger est incertain. Le Rav Pessa'h Frank m'encouragea à tenir bon, et à continuer de faire monter les juifs d'Afrique du Nord."
De nombreuses années plus tard, Rabbi Chlomo Zalman Shragaï a raconté avoir agi conformément à ces directives, en étant toutefois animé par un certain nombre de doutes. Mais en rendant visite au Judaïsme d'Afrique du Nord, qui, au lieu d'être monté en Eretz Israël s'était installé en France, et y était contaminé par le fléau des mariages mixtes, qui atteignait un pourcentage dépassant les 70 %, il a compris que la démarche qui lui avait été dictée par les Sages d'Israël était bonne et juste.
Le Rav Kook nous a enseigné qu'un phénomène semblable s'était produit à l'époque d'Ezra, au temps du second Temple, lorsque de nombreux juifs riches et importants étaient restés en exil, et que seuls quelques juifs pécheurs avaient suivi 'Ezra en Eretz Israël. Ces juifs sont peu à peu revenus à la Torah, et c'est leur retour qui a permis la construction du second Temple, ainsi que le développement de toute la Loi orale (Lettres 311). De même, le Rav Kook nous a enseigné qu'il ne fallait pas examiner avec trop de minutie le comportement des juifs montant en Israël, car la terre se chargera de sélectionner de façon naturelle ceux qui sont dignes d'y rester. Quant à ceux qui ne le sont pas, "la terre les vomira. " (Lettres 82). La rencontre de la sainteté intrinsèque de la terre d'Israël avec celle du peuple juif ramènera certainement ce dernier sur la bonne voie. Ce n'est qu'une affaire de temps et de patience. ***************
Choftim Un nouveau monde Le retour du peuple juif sur sa terre, que nous vivons de notre génération, ne constitue pas seulement une péripétie historique, il s'agit d'une véritable révolution marquant un tournant dans l'Histoire de l'Humanité.
"J'ai déposé mes paroles dans ta bouche, et Je t'ai abrité à l'ombre de ma main, voulant établir de nouveaux cieux et réédifier la terre, et dire à Tsion : Tu es mon peuple !" (Yéchayahou 51, 16). Dieu nous console de ce terrible exil qui nous a tant accablés. "C'est Moi, c'est Moi qui vous console ! Qui es-tu, toi qui as peur d'hommes périssables, des fils d’Adam qui tout à l'heure seront de l'herbe ?" (12). Dieu nous recommande de ne pas craindre les "grandes puissances", dont le pouvoir est en fait très relatif, et qui tôt ou tard finiront par disparaître. C'est Dieu qui est le
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véritable et unique Maître du monde. "Oubliant le Seigneur, qui t'a créé, qui a étendu les cieux et fondé la terre, tu trembles sans cesse, tous les jours, devant la colère du tyran qui médite ta perte. Mais où est donc maintenant la colère du tyran ?" (13). Le tyran a en effet disparu, il n'en reste aujourd'hui plus rien. "Rapidement le captif verra tomber ses chaînes. Il ne mourra pas dans son cachot, et le pain ne lui fera pas défaut. " (14). Oui, nous sortirons de toutes les souffrances, toutes les misères de l'exil : "Car Je suis le Seigneur, ton Dieu, Celui qui dompte la mer quand ses flots se soulèvent, et qui se nomme le Seigneur des Armées. " (15). Celui qui a créé les mondes et qui régit les lois de la nature, résoudra également les problèmes de l'homme, et le sauvera de son oppression. Mais pour nous, la délivrance tant attendue n'est pas seulement d'être épargnés des souffrances et des difficultés. Nous nous attendons à bien davantage : un nouveau monde. Dieu nous a conduits jusqu'à cette étape, "voulant établir de nouveaux cieux et réédifier la terre". S'agit-il d'une révolution cosmologique ? Non. C'est une révolution historique : la restauration du peuple juif sur sa terre. Il s'agit de "dire à Tsion : tu es Mon peuple !" (16).
La résurrection de l'Etat d'Israël est en effet un nouveau ciel, une nouvelle terre, comme l'explique notre maître Maïmonide : "En parlant de la restauration du royaume des enfants d'Israël, de sa stabilité, et de sa durée, le prophète Yéchayahou déclare que Dieu créera de nouveau un ciel et une terre. Car dans son langage, il s'exprime au sujet du règne d'un roi, comme si c'était un monde propre à celui-ci, à savoir un ciel et une terre. Après avoir commencé les consolations par les mots : 'C'est Moi, c'est Moi qui vous console'. et ce qui suit, Il s'exprime ainsi : J'ai mis ma parole dans ta bouche et Je t'ai abrité à l'ombre de Ma main, afin d'établir de nouveaux cieux et de réédifier la terre, et dire à Tsion : tu es Mon peuple.' (16). Pour dire que la souveraineté restera entre les mains d'Israël, et qu'elle s'éloignera des puissances célèbres. " (Guide des Egarés II, 29).
L'Etat d'Israël recréé n'est donc plus temporaire comme les deux précédents. Cette fois, notre retour est définitif, et aucune puissance étrangère ne pourra nous imposer un nouvel exil. Il ne s'agit pas uniquement d'un retour individuel de Juifs vers Eretz Israël, comme c'était le cas les siècles précédents. Il est question actuellement d'un retour collectif et national du peuple juif sur sa terre. Une terre de nouveau habitée par le peuple auquel elle appartient est définie d'emblée comme un Etat. L'Etat d'Israël, c'est le "nouveau ciel" et la "nouvelle terre" dont parle le texte biblique. Pour le peuple juif, un Etat n'est pas uniquement une structure d'accueil pour les individus, ni un abri face aux malheurs de l'exil, ni même le résultat d'un "contrat social", permettant aux individus de vivre en toute tranquillité. Notre Etat n'est pas moins que le piédestal du royaume de Dieu sur terre. L'Etat juif est un idéal en soi. En effet, sur terre, l'homme n'existe pas seulement en tant qu'individu. Il n'est pas un être isolé sur son île d'égocentrisme, mais fait partie de la collectivité humaine regroupée en nations. Il est donc hors de question que la lumière divine n'éclaire que la vie de l'individu et se dérobât à la vie de la nation. La vie individuelle ne peut se
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dissocier de la vie nationale, car la lumière divine dépasse l'échelle individuelle, familiale et même communautaire. Elle concerne et éclaire toute la nation avec toutes ses structures, son parlement et son gouvernement, son armée et sa police, son agriculture et son économie, sa politique intérieure et extérieure, son système social et culturel. C'est le monde entier que nous voulons sauver, et pas seulement l'individu.
C'est pourquoi nous n'atteignons pas uniquement le sommet de la consolation en échappant à la cruauté des tyrans ou en se débarrassant de nos chaînes, ni encore en étant épargnés de la misère et de la faim. La véritable consolation, c'est "dire à Tsion : tu es Mon peuple. "
Pendant près de deux millénaires, un fossé séparait Tsion de la nation juive. La véritable signification du sionisme, c'est précisément de recréer la vie du peuple juif en tant que nation sur sa terre, en réveillant l'amour endormi du peuple pour Tsion. "Réveille-toi, réveille-toi ! Debout, Yérouchalayim !" (17). Nous chantons ce verset lors de la prière d'accueil du Chabath, dans l'hymne Lé'ha Dodi : "Réveille-toi, réveille-toi, pare-toi de ta force, ô Tsion ! Revêts tes habits de fête, ô Yérouchalayim, Cité sainte ! Car désormais, personne d'incirconcis ni d'impur n'entrera plus chez toi. Secoue ta poussière, lève-toi et reprends ta place, Yérouchalayim. Débarrasse ton cou des liens qui l'enserrent, ô captive, fille de Tsion !"(52, 1-2).
Ce dont nous sommes témoins aujourd'hui n'est pas un simple phénomène historique vide de signification. Ce sont les pas avantcoureurs du royaume de Dieu sur terre, les signes précurseurs de la venue du Messie. "Qu'ils sont gracieux sur la montagne, les pieds du messager annonceur de paix, le messager de bonnes nouvelles qui annonce la délivrance, qui dit à Tsion : Ton Dieu est Roi ! C'est le cri de tes sentinelles ! Ils élèvent la voix et ensemble ils jettent des accents de triomphe; car ils voient, de leurs propres yeux le Seigneur rentrer dans Tsion. " (7-8). Le peuple juif qui revient à Tsion y est accompagné par Dieu Lui-même. "Eclatez en cris de joie, chantez en chceur, ruines de Yérouchalayim ! Car le Seigneur console son peuple, Il délivre Yérouchalayim. "(9). L'humanité entière est témoin de l'extraordinaire éruption d'un volcan qu'on croyait éteint. "Le Seigneur déploie son bras auguste aux regards de tous les peuples, et tous les confins de la terre sont témoins de l'ceuvre de salut de notre Dieu." (10). Nous ne sommes pas des fuyards qui échappons de l'exil pour trouver ici un havre de paix. "Car ce n'est pas dans une hâte éperdue que vous vous échapperez, ce n'est pas dans une fuite précipitée que vous partirez, mais le Seigneur sera votre avant-garde, votre arrière-garde le Dieu d'Israël. " (12). ***************
Vayéle'h Ma terre, ma fiancée Plus qu'un simple endroit d'existence, la Terre d'Israël constitute pour le peuple juif un cadeau divin. La légitimité de ses droits sur ce pays ne peut être contestée car il lui
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appartient intégralement. "Tu ne seras plus nommée la Délaissée, et ta terre ne s'appellera plus Solitude. Toi, tu auras pour nom Celle que J'aime, et ta terre se nommera l'Epousée. Parce que tu seras la bien-aimée du Seigneur, et parce que ta terre connaîtra les épousailles. " (Yécha yahou LXII, 4). On peut avoir deux types de relation avec sa terre : on peut tout d'abord la considérer selon une conception instrumentale. Il est indispensable en effet de posséder un lieu d'existence, en particulier pour le peuple juif, qui n'a trouvé au sein d'aucun exil une terre d'accueil pour s'y fixer définitivement. Nous n'avons pas trouvé de refuge très amical au sein des nations qui nous ont accueillis sur leur territoire. Et l'on peut dire que ce fut finalement pour notre bien, car nous avons compris, comme le disait Théodore Herzl, qu'il est vital pour nous de posséder une terre de refuge, un lieu où nous pouvons vivre en toute sécurité et en toute indépendance, tant sur le plan physique, matériel que spirituel, sans être menacés d'extermination ou d'assimilation. Cette terre de refuge est donc un cadeau divin pour lequel nous devons remercier Dieu jour et nuit. Mais dans ce sens, notre pays n'est pas davantage qu'un instrument, un véhicule de notre survie, parfaitement remplaçable dès qu'il cesse d'être fonctionnel ou confortable. Selon cette optique, il serait tout à fait envisageable de remplacer ou de partager ce lieu de refuge en fonction des désagréments qu'il nous cause. Rien n'empêche, selon ce regard, de faire toutes sortes de concessions pacifiques en faveur de nos voisins afin d'acquérir la paix et la tranquillité, car une terre-instrument ne vaut pas qu'on livre pour elle une lutte nationale difficile et acharnée. Mais selon une seconde conception, la terre d'Israël est une épouse, comme l'a écrit un poète qui vécut lors des débuts du retour en terre d'Israël, Alexandre Fein : "Je t'ai fiancée avec mon sang. " Il est bien évident selon cette comparaison, que si nos voisins se mettent à convoiter notre épouse, il est de notre devoir de la défendre de toutes nos forces, car une épouse fait partie intégrale de soi et ne peut être ni concédée ni partagée. Le prophète Yécha'yahou compare lui aussi la Terre d'Israël à une épouse. En s'adressant au peuple juif, il déclare : "Ta terre se nommera l'Epousée... ta terre connaîtra les épousailles. " Selon cette prophétie, nous assisterons à de nouvelles épousailles, entre Dieu et le peuple, entre Dieu et la Terre, entre le Peuple et la Terre. "Oui, comme le jeune homme s'unit à la vierge, tes enfants s'uniront à toi, et comme le fiancé se réjouit de sa fiancée, Dieu se réjouira de toi. " (5). Seule la parole d'un prophète peut se permettre une telle audace ! Et puisqu'une telle comparaison est faite, et que notre terre nous est confiée telle une épouse, nous devons nous dévouer pour elle et elle se dévouera également pour nous. Comme nous le voyons, depuis plus d'un siècle le peuple juif embrasse de nouveau sa terre, abandonnant souvent en exil des situations professionelles et matérielles enviables. Et cette terre à laquelle il est venu s'attacher ne manque pas à son tour de répondre à son attente. Elle fournit en abondance les fruits de ses entrailles, et du désert de désolation qu'elle était au départ, elle redevient un jardin florissant. Cette profonde attache qui lie le peuple à sa terre doit aussi apparaître aux yeux de toutes les nations : "Pour l'amour de Tsion, je ne garderai pas le silence ! Pour
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Yérouchalayim, je n'aurai point de repos ! Que son salut n'ait éclaté comme un jet de lumière, et sa victoire comme une torche allumée. " (62:1). Evidemment, nous devons tout d'abord être nous-mêmes convaincus que la terre d'Israël est une partie de nous, et qu'elle nous appartient intégralement ! C'est alors que les nations de la terre le reconnaîtront également. Ainsi, nous revenons sur notre terre non pas comme des miséreux qui mendient une assistance aux nations du monde, mais comme un peuple libre et fier qui rétablit sa souveraineté sur sa terre, comme on rétablit son mariage : "Sur tes remparts, ô Yérouchalayim, j'ai posté des guetteurs, qui ne se tairont ni le jour ni la nuit, en aucun temps : O vous qui faites appel au souvenir du Seigneur, ne prenez aucun répit ! Et à lui non plus ne laissez point de trêve, qu'il n'ait rétabli Yérouchalayim et n'en ait point fait un sujet de gloire dans le monde. " (6-7). Nous ne nous tairons point. Nous ferons valoir sans répit notre droit sur notre pays et sur notre capitale éternelle Yérouchalayim. Toutes les spéculations du type "qu'est-ce qui a le primat, le peuple ou le pays ? ", sont vaines et superflues, car il n'y est pas question de deux termes différents d'une même équation, mais bien d'une unité foncière. Le peuple n'a pas de vie sans sa terre, et le fait que nous ayons vécu près de deux mille ans en exil ne contredit pas cette affirmation. En exil, il ne s'agissait que de survivre et non de vivre à proprement parlé, car vivre en tant que nation ne peut se faire que revenus d'exil et sur la terre de notre peuple. Malheureusement, cette survie d'exil touchant à sa fin, nous assistons à la plus grande des tragédies vécue par notre peuple dans l'histoire contemporaine : le désir pervers, venu de l'intérieur ou de l'extérieur, de faire durer l'exil. De même que le peuple n'a pas de vie sans sa terre, la terre également n'a pas de vie sans son peuple. Pendant deux millénaires, elle n'était que désolation, ruines et dévastation, et lorsque ses enfants sont revenus l'habiter, elle a commencé à revivre. C'est pourquoi cette terre est appelée Terre d'Israël, car sans le peuple d'Israël, elle n'est qu'une coquille vide, une terre déserte et abandonnée en attente de ses enfants. Depuis plus de cent ans, ces épousailles se concrétisent étape par étape, à travers différents épisodes successifs, tantôt obscurs et tantôt lumineux, lesquels parviendront en fin de compte à nous conduire à la réalisation pleine et entière de ces épousailles. "Passez, passez par les portes, faites déblayer la route du peuple; nivelez, nivelez la chaussée, enlevez-en les pierres, levez l'étendard pour les nations. Voilà que le Seigneur fait entendre Son appel jusqu'aux confins de la terre : Dites à la fille de Tsion : Voici ton salut qui vient ! Voici Dieu qui arrive, escorté de Son salaire, devancé par Sa rémunération ! Et on les appellera le Peuple Saint, les Affranchis du Seigneur. Et toi Yérouchalayim, tu auras nom la Recherchée, la Ville non délaissée. " (10-12).
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LE DEVOIR DE RÉSIDER EN TERRE SAINTE SELON LE RAMBAM [MAÏMONIDE] il est défendu de quitter la Terre sainte pour aller habiter à l'étranger. Cependant, si la raison du départ est l'étude de la Torah, il est permis de le faire ; il est également autorisé de quitter la Terre Sainte pour trouver une future épouse ou lorsqu'on veut éviter de tomber dans l'idolâtrie. On est admis à envisager le départ lorsque la famine ou l'inflation sévissent, et même dans le cas d'abondance lorsque l'un de ces fléaux est prévisible et que l'argent est rare au point de mourir de faim. Bien qu'il soit permis de quitter la Terre Sainte en cas de famine, il ne faut pas s'en faire un mérite. L'exemple de Mahlon et Kilion est sufisamment éloquent sur ce point (Ruth, 1, 5). Ces deux notables moururent tous deux après avoir fui la famine."' , Maïmonide, Rambam Hilkhot Melakhim 5,9
Quand les Grands Sages d'Israël arrivaient au seuil de la Terre Sainte, ils embrassaient les pierres, s'étendaient dans la poussière du sol, en application du verset: "Car tes serviteurs affectionnent ses pierres et chérissent jusqu'à sa poussière" (Psaumes 102, 15). Nos Sages enseignent: "Les péchés de l'homme qui réside en Terre Sainte lui sont pardonnés", car il est dit: "Le peuple qui réside à Jérusalem a obtenu le pardon de ses péchés" (Isaïe 33, 24). Il suffit de marcher quatre coudées sur le sol sacré pour avoir droit au monde futur. De même, si quelqu'un est enterré en Terre sainte, ses fautes lui seront remises, comme le dit l'Ecriture: "Et la terre obtiendra expiation pour le peuple" (Deutéronome 32, 43). Ainsi, Jacob et Joseph ont demandé à reposer en Canaan. (Maimonide, Rambam, Michnèh Torah, Hilkhot Melakhim, 5, 10-11)
Nos sages ont dit : Quiconque réside en Terre Sainte voit ses fautes pardonnées... Faire quatre pas sur son sol suffit pour mériter le monde futur Celui qui y trouve une sépulture reçoit la rédemption de ses péchés. La Terre Sainte tout entière est comparable à l'endroit où était érigé le Tabernacle. Celui-ci avait le pouvoir d'éffacer les fautes d'Israël ainsi qu'il est écrit : Sa terre réhabilite ton peuple (Deut. 32, 43). Il existe une grande différence entre le fait de vivre en Terre Sainte et celui de vivre à l'étranger en choisissant de se faire inhumer en Terre Sainte . Les plus grands sages d'Israël se faisaient tous inhumer en Terre Sainte, suivant ainsi l'exemple de notre ancêtre Jacob et de Joseph le juste ». « Un Juif ne doit jamais habiter en dehors de la Terre Sainte même si elle est entièrement peuplée d'idolâtres. Il vaut mieux y résider plutôt que de vivre à l'étranger dans une ville entièrement peu plée de Juifs. Quiconque quitte la Terre Sainte est comparable à un idolâtre, ainsi qu'il est écrit : En me chassant, ils m'ont empêché de m'attacher à l'héritage de l'Eternel et ils m'ont dit : Va serir des dieux étrangers (Samuel, XXVI, 19). De même qu'il est interdit de déserter la Terre Sainte pour
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s'installer à l'étranger, il est interdit de quitter la Babylonie pour un autre pays, selon la parole de l'écriture : Ils seront transportés à Babylone et y resteront jusqu'au jour où je me souviendrai d'eux pour les faire revenir et réintégrer ces lieux (Jérémie, XXVII, 22) »."' Maïmonide, Rambam Hilkhot Melakhim 5,12
« Ceux qui se bercent d'illusions et qui affirment qu'il convient de demeurer en diaspora jusqu'à l'avènement du Messie en Terre Sainte, époque à laquelle ils s'installeront à Jérusalem, transgressent la Loi et incitent les autres à la transgresser ». Maïmonide, Rambam, Maamar Kiddouch Hachem
ERETZ ISRAEL SELON RABBI YEHOUDA HALEVY
L'un des grands penseurs juifs du Moyen Age, Rabbi Yehouda Halevy (1086-1142), qui vécut en Espagne, a consacré son ouvrage le "Kouzari" appelé aussi "Livre de discussion et de démonstration au service de la foi méprisée" - à la démonstration de l'excellence du judaisme par rapport aux autres religions. La conversion du roi Boulan, roi des Khazares sert de thème à l'ouvrage.
Kouzari: Pourtant, depuis Adam jusqu'à Moïse, nombreux sont ceux qui ont prophétisé en dehors d'Eretz Israël: Avraham à Our Kasdim, Yehézqel et Daniel en Babylonie et Jérémie en Egypte! (Le Kouzari objecte ici: comment peux-tu dire que l'on ne peut approcher D... qu'en Eretz Israël?).
Haver: Tous ceux qui ont prophétisé, n'ont prophétisé que dans ou pour la terre d'Israël. La prophétie d'Avraham avait pour but sa venue en Eretz Israël ("Va-t'en de ton pays..." Berechit XII, 1). Yehézqel et Daniel ont prophétisé pour Eretz Israël (ils ont prophétisé le retour en son pays) et en outre, ils étaient originaires d'Israël de l'époque du 1er Temple, où la présence divine (Chekhina) les avait amenés au degré prophétique. (C'est donc en Israël qu'ils sont parvenus au prophétisme). Quant à Adam, c'était son propre pays, (il a été créé en Eretz Israël) et c'est là qu'il est mort (et enterré) dans la caverne de Ma'hpela (à Hevron) où reposent quatre couples: Adam et Eve, Avraham et Sara, Isaac et Rivka, Yaacov et Léa. Et c'est le pays qui est appelé "lifne hachem" "devant D...", et "D... le parcourt constamment du regard."
a) C'est pour ce pays que la jalousie et la convoitise ont éclaté entre Cain et Abel: A qui revenait le mérite d'hériter ce pays et goûter à la sève de l'inspiration divine. Cain a tué Abel, mais le pays est reste veuf, car "Cain est sorti de devant D...", c'est-à-dire qu'il en a été chassé.
b) De même, "Jonas s'est levé pour s'enfuir a Tarchich de devant D...". (Jonas I, 3), c'est-à-dire il s'est enfui du lieu de la prophétie (Jonas qui ne voulait pas prophétiser,
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pensait qu'hors d'Israël, son pouvoir prophétique disparaîtrait). Et D... l'a rejeté des entrailles du poisson et il a prophétisé (le poisson l'a rejeté au port de Jaffa, Jonas II, 2 et 3).
c) Quant est né Seth à la ressemblance d'Adam, (c'est-à-dire du niveau de Adam (Berechit V, 3) et qu'il a remplacé Abel, comme il est écrit: "D... m'a donné une nouvelle descendance à la place de Abel" (Berechit IV, 25), il a mérité ce pays d'un degré audessous du jardin d'Eden (cf. "combien cet endroit est redoutable, ce ne peut être que la maison de D... et ceci est la porte des cieux" Beréchit XVIII, 17).
d) Isaac et Ismaël se sont disputés ce pays (et ils se le disputent encore aujourd'hui, et Ismaël a été rejeté ("Renvoyez cette servante et son fils car il n'héritera pas..." Beréchit XXI. 10) Bien qu'il ait été dit à son sujet: "Voici je le bénirai, et je le ferai fructifier" en biens de ce monde, après il est dit "mon alliance, je la réaliserai avec Isaac". (La contestation entre Isaac et Ismaël ne portait donc pas sur le point de savoir qui hériterait des biens matériels d'Avraham, qu'Ismaël a reçus, mais sur l'alliance de D... c'està-dire l'adhésion à la "faculté-divine" et au monde futur, grâce à la possession du pays d'Israël). Cette alliance, ni Ismaël ni Esau ne l'ont obtenue, malgré la puissance accordée par D... aux civilisations musulmanes et chrétiennes.
e) Et c'est au sujet de ce pays que se sont "disputés" Jacob et Esau dans les épisodes des droits d'aînesse et de la bénédiction: Bien que la possession de la Terre soit la prérogative essentielle de l'aîné, Esau malgré sa puissance, a été repoussé, par Jacob. Quant à Jérémie, il a prophétisé en Egypte "pour Eretz Israël, sauf la prophétie de Ta'hpan'hess en Egypte, Jeremie XLIII, 7 qui devrait appartenir au territoire israélien, d'après Kouzari IV, 3). De même pour Moïse, Myriam et Aaron.
Et dans ce pays, les patriarches construisirent des autels, et là, se manifestèrent le feu d'en haut et la lumière divine (la lumière divine, à savoir la prophétie, la parole de D.). Et c'est là qu'Avraham emmena Isaac sur le Mont Moria, en plein désert (le caractère de ce lieu ne s'est révélé à David que lorsque cet endroit fut habité et désigné comme séjour de la présence divine. Avraham dénomma cet endroit du nom de "D. verra (Beréchit XXII, 14) et il est expliqué dans Divré Hayamin (Chroniques 2 111,1) que le Temple fut construit sur le Mont Moria. Et ces lieux méritent de s'intituler portes des cieux (Berechit XXVIII, 17).
Ne vois-tu pas que Yaacov notre père n'a pas attribué les visions de son rêve (l'échelle et les anges) à son mérite, ni à sa foi ou à la pureté de son coeur, mais à la valeur de l'endroit, comme il est écrit: "II craignit et dit: combien est redoutable cet endroit, ce ne peut être que la maison de D... et ceci est la porte des cieux" (Beréchit XXVIII, 17). Et il est écrit auparavant: "il rencontra l'endroit". Ne vois-tu pas qu'Avraham a été transplanté d'Our Kasdim en Israël lorsqu'il a été en mesure d'adhérer à la "faculté divine" comme un cultivateur trouve un bon arbre dans le désert et le transplante sur une terre fertile. (Avraham, choisi pour son mérite, a dû
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partir vers le lieu de l'alliance divine, Israël).
Kouzari: Cite-moi des paroles des Sages sur Eretz Israël qui te viennent à l'esprit.
Haver: a) "On fait monter tout le monde en Eretz Israël et on ne fait pas descendre tout le monde d'Eretz Israël, c'est-à-dire, une femme qui refuse de suivre son mari montant en Israël, est repudiée sans Ketouba, indemnité de divorce, et par contre, si c'est le mari qui refuse de suivre sa femme se rendant en Eretz Israël, il est tenu de divorcer en s'acquittant de la Ketouba. (On force les conjoints à divorcer si l'un des deux ne veut pas suivre l'autre en Eretz Israël, Ketouvot 110).
b) Et ils ont dit: "Que l'homme habite toujours en Israël, fût-ce dans une ville peuplée par une majorité non-juive et non pas en "houtz laaretz" même dans une ville peuplée par une majorité juive, car celui qui habite en Israël est comme celui qui a un D... et celui qui habite hors d'Israël est comme celui qui n'a pas de D..." (Ketouvot 110). La forme redoublée nous enseigne que non seulement, fait preuve d'athéisme celui qui vit hors d'Israël, mais que celui qui est en Eretz Israël acquiert un mérite extraordinaire; comme l'ont dit nos Sages: "Celui qui marche quatre coudées en Eretz Israël a droit au monde futur').
c) Car David (contraint de s'enfuir d'Israël) a dit "On m'a chassé du territoire de D... en me disant: va servir des dieux étrangers", ceci te montre que celui qui habite en dehors d'Eretz Israël est comme s'il servait des dieux étrangers.
d) ... Et ils ont dit: "celui qui est enterré en Eretz Israël, c'est comme s'il était enterré sous l'autel même". Et "ne ressemble pas celui qui est mort en Eretz Israël à celui qui y a été emporté après sa mort". Mais ils ont dit de celui qui aurait pu y habiter et ne l'a pas fait et a ordonné qu'on l'y transporte après sa mort: "De votre vivant vous avez eu mon domaine en abomination, et après votre mort vous êtes venus souiller mon pays".
e) Et ils ont encore dit "l'atmosphère d'Eretz Israël rend les hommes sages".
Kouzari: S'il en est ainsi, alors tu te dérobes aux obligations de la Torah, qui désigne cet endroit comme ta maison pour la vie et pour la mort. Pourtant, tu pries "Aies pitié de Sion, car c'est la maison de notre vie" et tu crois au retour de la Chekhina (présence divine) (à l'époque messianique, comme il est dit dans le Chemoné Esré: qui ramène sa Chekhina à Sion). Le simple fait que la Chekhina y ait résidé pendant près de neuf cent ans (depuis l'érection du Temple jusqu'à sa destruction) aurait dû obligatoirement provoquer le retour de toute personne (juive) de valeur vers la terre des prophètes et a fortiori des hommes pieux, puisque Sion est la porte des cieux (autrement dit la valeur même d'Eretz Israël devrait inciter tout juif authentique à y monter). Tous les peuples en conviennent. Les chrétiens prétendent que les âmes y sont rassemblées (après la mort) et que c'est de là qu'on les fait monter au ciel. Les musulmans prétendent que c'est le lieu d'ou les prophètes montent au ciel et où se tiendra le jugement dernier. Toutes les
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nations ont les yeux tournés vers Sion et y voient la source de la réussite humaine. Et je vois que pendant la prière, vous vous orientez et vous prosternez vers ce pays.
Ce n'est que de l'hypocrisie ou bien un rite sans signification. Jadis vos ancêtres les patriarches ont choisi de vivre dans ce pays, et préféraient un statut d'étranger en Eretz Israël, plutôt que la citoyenneté dans leur pays natal, la Mésopotamie, (où ils habitaient depuis des générations) et bien qu'à cette époque la chekhina n'y apparaissait pas (le temple n'existait pas encore, dont il est dit "ils me feront un sanctuaire et je résiderai au milieu d'eux", Chemot XXV, 8). Bien au contraire, débauche et idolâtrie régnaient en Eretz Israël, et malgré cela, leur seul désir était d'y habiter et de n'en sortir - même en cas de famine - que sur l'ordre de D... (Jacob n'est pas parti avant que D... ne lui dise: "N'aie pas peur de descendre en Egypte" Berechit XLVI, 3) et ils ont exigé que l'on ramène leurs ossements en Eretz Israël (comme Joseph, Berechit L, 25). (Le Kouzarie pose donc à Rabbi Yehouda Halevy une question très actuelle: pourquoi les juifs ne montent-ils pas en Eretz Israël?).
Haver: Tu me couvres de honte, roi des Khazares, et c'est là la faute qui-nous a empêché d'assister à la réalisation de ce que D... nous a promis à l'époque du deuxième Temple, comme il est dit "chante et réjouis-toi, fille de Sion" ("car voici, je viens et je résiderai au milieu de toi, parole de D..." (Zacharie 2, 14). Tout en reconnaissant la valeur d'Eretz Israël, les Juifs ne voulurent point abandonner les pays de l'exil. L'influence divine aurait pu réapparaître, s'ils avaient tous accepté de revenir en Israël, mais seule une minorité est revenue, la majorité et les chefs restant en Babylonie (seulement quarante mille sont montés. Nehémie VIII, 66, les Sages, les riches et la majorité sont restés) préferant l'exil et l'esclavage (un joug étranger) et ne voulant renoncer ni à leur demeure ni à leurs occupations. A ce sujet, Salomon a dit: (Cantique des cantiques V, 2) "Je dors et mon coeur est en éveil, la voix de mon bien-aimé m'appelle avec force: ouvre-moi, ma soeur, ma compagne, ma toute parfaite, car ma tête est couverte de rosée, mes boucles - des embruns de nuit. (Elle répond) - "J'ai enlevé ma tunique, la remettrai-je? j'ai lavé mes pieds, les souillerai-je à nouveau? Mon bien-aimé a passé sa main par une lucarne, mes entrailles s'en sont émues". (Il s'agit d'un dialogue entre D... et Israël). L'exil est appelé sommeil (car lorsqu'un homme dort, ses sens, ses facultés et ses forces physiques sont annulées, de même Israël en exil perd l'essentiel de sa vitalité et même la pratique intégrale des mitsvot). La continuation de la prophétie est appelée "coeur en éveil" (car chez un homme qui dort, tout n'est pas arrêté: son coeur continue à faire fonctionner l'organisme, rôle dévolu aux prophètes de l'exil, consciences d'Israël) "la voix de mon ami frappe" c'est l'appel de D... pour le retour en Eretz Israël "car ma tête est couverte de rosée" car la chekhina est sortie des ombres du Temple (comme un homme qui attend dehors de bon matin, et sa tête se couvre de rosée, ainsi la chekhina chassée du Temple, son abri, attend dehors que les juifs reviennent en Eretz Israël). "J'ai enlevé ma tunique" allusion à leur paresse à revenir (comme celui qui est au lii et à la paresse de se rhabiller, ainsi les juifs de Galout qui n'écoutent pas l'appel de D... invoquent toutes sortes de raisons, trahissant leur envie de ne pas s'arracher à leur
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lieu) "mon bien aimé a envoyé sa main par la lucarne" c'est Ezra, Néhémie et les prophètes, Hagai ei Zacharie, qui les ont exhortés, jusqu'à ce qu'une partie d'entre eux sois prête à revenir; c'était un aveu partiel de leur faute, aussi les chose; ne se sont réalisées qu'imparfaitement; en effet l'influence divine nf repose sur un homme que selon ses mérites, si un peu, un peu, si beaucoup, beaucoup. Et s'ils avaient été prêts à aller à la rencontre de leur D... avec un coeur intègre et une âme contente (au retour d'Ezra et et Néhémie), il leur serait arrivé ce qui est arrivé à nos ancêtres er Egypte (des miracles pour leur délivrance).
Et nos prières "prosternez-vous à sa montagne sainte" et "prosternez-vous à ses pieds" et "qui ramène sa chekhina à Sion" ne sont que des gazouillements d'étourneau (répétés de façon automatique), sans que nous pensions à ce que nous disons, ainsi que tu l'as dit, roi des Khazars".
Rabbi Yehouda Halevy ne s'est pas contenté de démontrer philosophiquement la valeur d'Israël; il a également écrit des poèmes pleins d'amour brûlant pour Israël (comme les Sionides) dont plusieurs ont été intégrés dans le Sidour (par exemple "Tsion Halo Tichali" dans les "Kinot" de Ticha Beav).
Qui plus est, ne se contentant pas de l'écriture, il partit pour Sion, malgré les très graves périls auxquels il s'exposait en voulant atteindre Jérusalem, alors aux mains des impitoyables croisés. La tradition rapporte que lorsqu'il atteignit le mur des lamentations, embrassant la pierre et l'inondant de ses larmes et déclamant une "sionide", un cavalier arabe, jaloux de son zèle et son amour, l'écrasa. Il n'a pas assisté à la résurrection du pays, mais "Heureux qui garde au coeur un indomptable espoir; Lorsque se lèvera ton aube, il pourra voir Le triomphe de tes élus, leur allégresse Et le retour de ta rayonnante jeunesse". ("Tsion Halo Tichali")
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